Publié le 07 juin 2017
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Lapeyre soupçonné de minorer ses bénéfices au détriment des salariés
Le groupe Lapeyre, filiale de Saint-Gobain, est accusé par 1776 de ses salariés d'avoir minoré volontairement, via un montage financier, leur prime de participation. Le manque à gagner, entre 2002 et 2008, s'élèverait à 81 millions d'euros. Plus que la légalité du montage financier, c'est la question de la responsabilité sociétale de Lapeyre qui est posée.

Mardi 6 juin, Lapeyre a du comparaître au tribunal de Nanterre. 1776 salariés de l'entreprise, filiale de Saint-Gobain, attaquent leur employeur en justice. Ils estiment avoir été lésés sur leur prime de participation. Celle-ci est obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés, et calculée sur la base des bénéfices réalisés par l’entreprise.
Or, estime leur avocate, maître Aline Chanu, contactée par Novethic, "de 2002 à 2008, le groupe Lapeyre a généré de considérables bénéfices, qu’il a reversé à Saint-Gobain mais très peu aux filiales qui produisent de la valeur, et donc aux salariés", estime l’avocate.
Un montage financier légal
Selon la CGT et Force Ouvrière, "de 2002 à 2008, le groupe Lapeyre et Saint-Gobain ont organisé le transfert de 96% des bénéfices des sociétés Lapeyre vers deux sociétés holdings, Lapeyre SA et K par K SAS, n’ayant aucun salarié. 100% des bénéfices des deux holdings ont ensuite été distribués à Saint-Gobain". La somme réclamée par les salariés est importante. Elle s'élève à 81 millions d'euros.
Cependant, dans les faits, rien n’est illégal. "L’organisation en elle-même n’est pas illicite", confirme maître Chanu. Chaque usine du groupe Lapeyre, représentant une société, aurait vendu sa production à la holding Lapeyre SA. Cette dernière achetait aux usines leurs produits à des prix inférieurs au marché. Résultat, le calcul de participation des salariés se baserait sur seulement 4% des bénéfices de Lapeyre. "L’ensemble de ces décisions de gestion ont eu pour effet de léser les droits des salariés", estime Aline Chanu, et pose la question du partage des richesses.
Question de moralisation
Le groupe Lapeyre, sollicité par Novethic, n’a pour l’instant pas réagi. Mais il estime n’avoir commis aucun acte illégal, a estimé l'avocat du groupe dans la presse. Pour l'avocate des plaignants, ce "dossier est une première", tout d’abord par son ampleur.
Près de 20% des salariés du groupe ont porté plainte. Ensuite parce que la problématique de la prime de participation "commence seulement à émerger. C’est un sujet évidemment politique, un dossier qui interpelle en pleine moralisation de la vie publique". Lors d'une première audience le 6 juin, 70 salariés accompagnés des syndicats CGT et FO étaient présents. L'affaire a été révélée en 2012 et la date de la délibération est prévue pour le 26 septembre.
Marina Fabre, @fabre_marina