100 millions de dollars. C’est le prix moyen que sont engagées à débourser dix multinationales – Coca-Cola, AtoS, Dow Chemical, General Electric, McDonald’s, OMEGA, Panasonic, Procter & Gamble, Samsung et Visa- qui sponsorisent le cycle des JO 2013-2016. « Le CIO s’associe uniquement avec des entreprises et organisations qui, à son sens, travaillent dans le respect des valeurs que défend le Mouvement olympique, telles qu’énoncées dans la Charte olympique », assure le service de presse du Comité olympique. Il précise que ces partenaires mondiaux (TOP) « sont tous attachés aux principes de durabilité ». Mais quand on l’interroge sur d’éventuels critères RSE (responsabilité sociale et sociétale des entreprises) dans leur sélection, la question est soigneusement évitée.
Le programme marketing, le plus fructueux de l’histoire des JO d’Hiver, a rapporté au total plus de 1,3 milliard de dollars. Les contrats varient entre 110 et 180 millions de dollars pour les partenaires officiels, selon les estimations des médias russes. Car outre les « Top sponsors », huit sociétés sont « partenaires généraux » des JO de Sotchi, plus trois « partenaires officiels », onze « fournisseurs officiels » et dix-huit « fournisseurs ». Pour intégrer ce petit cercle trié sur le volet, leurs dirigeants ont présenté leur offre devant une commission d’évaluation, composée de représentants des Comités olympique et paralympique russe et du Comité d’organisation de Sotchi 2014. Comment sont-ils sélectionnés ? Le CIO de Sotchi 2014 évoque une décision fondée sur « la proposition commerciale, la connaissance du marché local, la volonté de coopérer avec le comité d’organisation, les garanties des obligations, l’expérience de projets similaires », avant d’ajouter « l’histoire et la réputation de l’entreprise, tout comme son engagement envers les valeurs olympiques ».
Prix de la durabilité… surprenants
En mars 2013, le Comité d’organisation de Sotchi a décerné à ses partenaires des Prix de la durabilité. Parmi les initiatives valorisées: le combiné route-rail par la compagnie de chemin de fer russe RZD, une construction pourtant extrêmement critiquée par les associations environnementales. Les autres récompenses ont distingué les « leçons de gentillesse » (sic) envers les personnes handicapées prodiguées aux écoliers, des mesures pour accroître la fiabilité de l’atterrissage des avions lors de conditions météorologiques complexes… Mais quand nous avons cherché à joindre ces entreprises, et notamment le principal sponsor, la compagnie pétrolière publique Rosneft, qui a reçu un prix pour l’organisation d’un festival et publie des rapports de durabilité (le dernier date de 2010), aucune n’a souhaité répondre à nos questions…
Chez les partenaires internationaux par contre, les plus environnementaux sont mis en avant. La société de services informatiques française Atos Origin explique par exemple contribuer à réduire l’empreinte carbone sur l’environnement en mettant en place des technologies modernes. « En utilisant les technologies de virtualisation, Atos a réduit le nombre de serveurs de 40 % comparés à Vancouver » (JO d’Hiver 2010), estime Patrick Adiba, directeur exécutif en charge des Jeux Olympiques et des Grands événements. Coca-Cola a installé 1000 réfrigérateurs éco-friendly sur les sites olympiques. Jeff Mochal, directeur de la communication externe de McDonald’s, évoque quant à lui « le recyclage de plus de 50 % des huiles de cuisson en biocarburant, la construction des restaurants avec des technologies d’économies d’énergie, le compactage des déchets pour diminuer le volume dans les décharges ».
Silence face aux abus
En revanche, les sponsors qui ne seraient pas particulièrement exemplaires en matière de RSE ne sont guère rappelés à l’ordre par le CIO. Le fabricant de produits chimiques Dow Chemical, par exemple, est félicité par le comité olympique de Sotchi pour ses solutions qui permettront « de réduire les émissions de gaz à effet de serre équivalent à l’empreinte carbone d’1,5 milliard de km en voiture ». L’entreprise fait pourtant l’objet de poursuites pour l’accident industriel de Bhopal en Inde, qui a fait 25 000 morts en 1984. Et son statut de sponsor des JO avait déjà largement été dénoncé par les victimes de la catastrophe en 2012, lors des jeux de Londres.
De même, le CIO et ses partenaires restent silencieux devant les abus constatés à Sotchi, en matière de corruption, de conditions de travail et de droits des homosexuels notamment. Jusque-là, ils se sont bornés à affirmer avoir reçu « l’assurance ferme du gouvernement russe que chacun serait le bienvenu aux Jeux à Sotchi, indépendamment de son orientation sexuelle », sans exhorter publiquement l’Etat à observer la Charte ni répondre sur les autres problèmes. Ni les lettres des associations, comme Human Rights Watch, ou de grands investisseurs financiers new-yorkais pesant 327 milliards de dollars d’actifs, ni les pétitions de plus de 400 000 personnes ne les ont fait réagir davantage.
Le pouvoir marketing des anneaux l’emporte encore sur l’influence de ces acteurs. Au-delà des contrats signés avec les organisateurs, les sponsors investissent massivement dans cette vitrine unique au monde, regardée par des milliards de consommateurs potentiels. Lors des précédents JO à Londres en 2012, leur image s’est améliorée de 25 à 50 %, selon une étude menée par Havas Sports & Entertainment en Grande-Bretagne. Le groupe américain Procter & Gamble (Duracell, Gillette…) a estimé par exemple à 500 millions de dollars ses ventes additionnelles en 2012 grâce à son sponsoring.
(1) Charte olympique, règle 2, paragraphe 13
Publié le 5 février 2014
Après le sport et la culture, le développement durable est le troisième pilier (1) de l'olympisme, depuis 1996. Les sponsors et partenaires, triés sur le volet, sont censés refléter cette éthique. Mais ce critère ne pèse pas lourd face aux millions versés pour financer les Jeux.
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