Publié le 02 mai 2014
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
"Say on pay" : la révolution actionnariale attendra
Dans les Assemblées Générales (AG) du CAC 40, les actionnaires seront cette année consultés sur les rémunérations des dirigeants. Ce "say on pay", mis en place par le code de gouvernance AFEP-MEDEF, ne devrait pas provoquer de printemps français des actionnaires. S’ils approuvent massivement le principe de ce scrutin, rares sont ceux qui votent contre les politiques de rémunération proposées par les entreprises.

© UEL MEDINA / AFP
Le "say on pay" est LE sujet phare de la saison d’assemblées générales des entreprises du CAC 40. Ce vote consultatif des actionnaires sur les montants de rémunérations des dirigeants permettra de mesurer s’il existe ou non un mouvement actionnarial de résistance aux rémunérations excessives. "Le vote consultatif sur la rémunération des dirigeants permet aux investisseurs de s’exprimer, c’est donc positif", juge Loïc Dessaint, directeur associé de Proxinvest, principale agence française d'analyse de gouvernance et de conseil en exercice des droits de vote.
La dimension consultative du vote permet seulement d’évaluer le poids de la défiance. Elle est considérée comme préoccupante à moins de 90 % d’approbation des rémunérations. A titre d'exemple, Georges Plassat, le PDG de Carrefour, n’a reçu que 70 % de votes favorables sur son salaire dont les actionnaires ne connaissaient que la partie variable. "Cela montre qu’une bonne partie d’entre eux vote sans même avoir ouvert le dossier. Malgré tout, à partir de 20 % de contestation, c’est un signal fort envoyé au conseil", estime Loïc Dessaint. Mais il nuance son propos lorsqu'il ajoute: "En France, les émetteurs vivent assez bien avec des taux d’opposition élevés alors qu’à l’étranger, une contestation de 20 à 30 % des actionnaires suscite un tollé".
Un outil de contestation
Le "Say on Pay" peut inciter les actionnaires à refuser de plébisciter les rémunérations variables dont la croissance est inversement proportionnelle à celle du chiffre d’affaires. Dans le secteur automobile, une industrie aux contre-performances économiques spectaculaires, le PDG de Renault a été bousculé. Seuls 64 % des actionnaires ont approuvé sa rémunération lors de l’AG du 30 avril dernier. Les critères et mode de calcul de la rémunération de Carlos Ghosn, dont la part fixe est de 1,2 million et la part variable de 1,3 millions d’euros, y ont été décortiqués.
L'assemblée générale de PSA, qui se tenait le 25 avril, a donné lieu à un tout autre scénario : la rémunération du président sortant (1,3 million d’euros de fixe) a été approuvée à … 99%. Il faut dire que le président et les membres du directoire avaient pris soin de préciser qu’ils renonçaient à toute part variable et que, lors de la tempête médiatique de l’automne, Philippe Varin avait renoncé à sa retraite chapeau de 21 millions d’euros.
Manque de transparence
Le vote consultatif doit, en principe, conduire les entreprises à expliquer leurs systèmes de rémunération. Ce "say on pay" doit notamment permettre de détailler comment sont reliées les augmentations des parts variables versées aux dirigeants et les performance de l’entreprise. Sur ce point, Proxinvest exprime son déception : "Nous attendions de la transparence sur les critères de performance. Mais au final, on ne comprend toujours pas les rémunérations variables..." regrette Loïc Dessaint: "Quand la performance n’est pas bonne, la rémunération ne baisse que légèrement. Nous appelons donc les actionnaires à envoyer un signal fort : il faut demander un effort en termes de transparence et d’alignement sur la performance".
Les appels à un vote actif des actionnaires se multiplient, à l’image de celui lancé par deux investisseurs institutionnels qui gèrent les retraites publiques, l’ERAFP et l’Ircantec. Dans leurs politiques d’engagement actionnarial, ils appellent à voter contre les rémunérations qui dépassent le maximum socialement acceptable. Ils l’ont fixé à 100 fois le salaire minimum pour les pays qui en ont un et 50 fois le salaire médian de l’entreprise pour ceux qui n’en ont pas.
Pour qu’ils se fassent entendre, il faudrait que d’autres actionnaires les rejoignent. Or les AG en France restent encore massivement des chambres d’enregistrement. Le « say on Pay » et les initiatives d’investisseurs responsables engagés portent malgré tout en eux les germes d’un éventuel printemps français.