Publié le 17 avril 2015

GOUVERNANCE D'ENTREPRISE

Les actionnaires de BP votent en faveur de l’évaluation du risque carbone

Lors de l'Assemblée générale des actionnaires du géant pétrolier BP, qui se déroulait ce jeudi 16 avril à l'Excel Centre de Londres, 98 % des actionnaires ont apporté leur soutien à la résolution proposée par ShareAction en faveur d’une prise en compte du risque carbone dans les prévisions de rentabilité du groupe. Cette résolution était défendue par des investisseurs institutionnels du monde entier et approuvée par la direction de BP elle-même. Pour les défenseurs d’une finance plus responsable, cette résolution marque le début d’une nouvelle ère.

Des membres de Share action, devant l'Excel centre de Londres, réclament "un siège à la table des négociations pour le dérèglement climatique" avant l'assemblée générale de BP.
Amandine Alexandre / Novethic

Sur les marches de l’Excel Centre, avant le début de l’assemblée générale annuelle des actionnaires de BP, une poignée de personnes posait jeudi matin derrière une banderole réclamant "un siège à la table des négociations pour le dérèglement climatique". L’armée d’actionnaires militants levée par l’organisation caritative ShareAction était à peine assez nombreuse pour attirer l’attention des passants.

Or, trois heures plus tard, le même petit groupe emmené par Catherine Howarth est ressorti victorieux de l’immense palais des Congrès situé à l’est de Londres. "Le changement climatique est l’affaire de tout le monde. Nous en avons apporté la preuve aujourd’hui", a proclamé la directrice générale de ShareAction.

En dépit des apparences, la coalition formée par ShareAction était bien arrivée en position de force à l’assemblée générale des actionnaires de BP.  Bien en amont de la grand-messe annuelle des petits porteurs, l’organisation londonienne avait reçu le soutien de très influents investisseurs institutionnels de BP, comme le fonds souverain norvégien, la banque BNP Paribas ou encore le fonds de pension des fonctionnaires de Californie (CALPERS).

Et quasiment dès le début de l’assemblée, la direction de BP elle-même a réaffirmé son appui enthousiaste à la demande formulée par la coalition d’actionnaires réunis au sein d’un groupe baptisé Aiming For A. "Nous sommes heureux de soutenir cette résolution", a déclaré le président de BP, Carl-Henric Svenberg.  Et d’ajouter : "Nous avons un rôle à jouer dans l’action contre le dérèglement climatique".

 

La menace du désinvestissement

 

Soutenue par BP, la résolution 25 avait donc toutes les chances d’être votée par les actionnaires. Il n’empêche, les 98,28% d’approbation recueillie par le texte (qui demande plus de transparence de la part de l’entreprise sur l'impact du risque carbone en matière de retour sur investissement des détenteurs d’actions BP), est un franc succès pour les investisseurs emmenés par ShareAction.

Un bémol cependant : BP a refusé de s’engager sur des objectifs chiffrés en matière d’émission de gaz à effet de serre. "Cette résolution ne porte pas sur des objectifs", a bien insisté le président du conseil de direction de BP. "Elle met l’accent sur la transparence des informations".

Matt Davis, chargé de la communication de ShareAction, est bien conscient du fait que le positionnement de BP doit certainement beaucoup au calendrier. "À l’approche de la COP21 [le sommet climatique de Paris, NDLR], la multinationale a voulu montrer qu’elle faisait quelque chose plutôt que rien", a-t-il confié à Novethic.

Mais ce responsable de ShareAction souligne tout de même l’importance de l’engagement pris par Beyond Petroleum (BP) vis-à-vis de ses investisseurs : "Les fonds d’investissement qui ont soutenu cette résolution gèrent des actifs de plusieurs milliards de dollars. Ce ne sont pas des bobos écolos qui agitent des pancartes. S’ils voient que le risque carbone n’est pas encadré par BP, ils songeront peut-être à désinvestir."

La pression subie par BP de la part de ses actionnaires vient donc de monter d’un cran significatif. Dorénavant, la multinationale devra détailler le risque que fait peser sur ses activités d’extraction, et donc ses retombées commerciales, dans un scénario où le réchauffement climatique doit être limité à 2 degrés maximum d’ici la fin du XXIe siècle.

 

La direction interpellée sur la Russie et le Golfe du Mexique

 

Parallèlement à cela, les actionnaires continuent de faire pression sur l’entreprise pour qu’elle assume pleinement les conséquences judiciaires, financières et sanitaires de la catastrophe naturelle provoquée par l’explosion d’une plate-forme pétrolière dans le golfe du Mexique il y a cinq ans.  Jeudi à Londres, le directeur-général de BP, Bob Dudley, a assuré que depuis 2010 l’entreprise s’était améliorée, notamment en matière de procédures de sécurité.

Au cours de l’assemblée générale, la direction a dû également répondre aux critiques des petits porteurs dans le cadre de ses investissements en Russie, sur fond de crise en Ukraine, ainsi qu’en Azerbaïdjan, un pays jugé très peu respectueux des droits de l’Homme. Réponse du président de BP : "Nous ne sommes pas à la tête d’un ministère des Affaires étrangères. Nous opérons dans le cadre de la loi."

Amandine Alexandre, correspondante à Londres
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