Publié le 21 avril 2016
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Climat : les AG des compagnies pétrolières sous haute surveillance
Les assemblées générales 2016 des compagnies pétrolières sont un rendez-vous important pour les acteurs les plus engagés sur le climat. En 2015, les résolutions demandant à Shell et BP un reporting sur des stratégies climat à la hauteur des risques ont été plébiscitées par leurs actionnaires. Catherine Howarth, la directrice de ShareAction, organisation spécialiste de l’activisme actionnarial, est partie prenante de ce mouvement de mobilisation des actionnaires. Elle a suivi avec attention l'assemblée générale de BP, qui s’est déroulée le 15 avril.

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Novethic : Où en sont les engagements pris par BP en 2015 en matière climatique ?
Catherine Howarth : Ils sont plutôt décevants. Nous ne nous attendions pas à obtenir tout ce que nous demandions la première année, mais nous sommes loin du compte. BP n’a pas testé la résilience de son portefeuille au scénario 2°C et continue à se baser sur un scénario de demande énergétique qui conduirait à un réchauffement climatique de 4° à 6°C.
Le groupe n’a pas non plus d'indicateurs fiables qui permettraient de mesurer ses progrès et n'a pas lié la rémunération de ses dirigeants à ses performances sur le climat. Nous venons de publier une analyse critique du rapport sur le climat proposé par BP à ses actionnaires. Elle montre que le groupe a construit un rapport climat en conformité avec le cadre que nous lui avions proposé, mais elle souligne aussi que la compagnie doit aller beaucoup plus loin pour répondre aux attentes de ses actionnaires et autres parties prenantes sur ses capacités de résilience à un monde à 2°C, tel que le définit l'Accord de Paris. BP doit donc améliorer sa politique climat.
L'AG 2016 nous offre une opportunité. 60% des actionnaires ont voté contre la rémunération du dirigeant de la compagnie qui enregistre des pertes records (6,5 milliards de dollars) tout en supprimant des emplois. C’est un signal fort qui va l’obliger à revoir globalement sa stratégie.
Les actionnaires remettent-ils en cause le business model des entreprises des énergies fossiles ?
Certains, oui. Mais c’est un sujet très complexe. Les investisseurs constatent les difficultés économiques des compagnies pétrolières. Or les fonds de pension britanniques ont particulièrement besoin de visibilité sur l'avenir économique de BP, dont ils sont massivement actionnaires. Si la compagnie ne se prépare pas à un scénario bas-carbone, ce sont les retraités britanniques qui vont trinquer.
Le dépôt de résolutions permet de stimuler le débat entre les investisseurs institutionnels et les entreprises. Il aide à leur faire prendre conscience des risques. Mais l’expérience BP montre qu'il faudra plusieurs années pour obtenir gain de cause. C'est pour cela qu'il ne faut pas relâcher la pression.
Quelles sont les étapes suivantes ?
Les assemblées générales d’ExxonMobil et de Chevron fin mai sont très importantes. Contrairement à Shell et BP, dont le management avait initialement soutenu notre démarche, les deux compagnies américaines ont tout fait pour échapper aux résolutions sur le climat. C'est finalement la SEC (l'autorité des marchés financiers américaine) qui leur a imposé le débat, en leur demandant de soumettre au vote de leurs assemblées générales des résolutions sur les risques financiers posés par les efforts globaux contre le réchauffement climatique. Le score obtenu par les résolutions sur le climat, 9 pour ExxonMobil, sera déterminant.
Les actionnaires sont plus réticents à s'opposer frontalement au management. Nous allons en tous cas faire en sorte d’apporter le soutien des investisseurs européens et, de façon générale, développer une plus forte collaboration transatlantique autour de l’engagement actionnarial en faveur du climat.
Pour en savoir plus sur les résolutions climat portées lors des Assemblées générales, lire L'essentiel des résolutions climat en AG du centre de recherche de Novethic du 21 avril 2016.