Publié le 18 novembre 2014
ENVIRONNEMENT
10 ans après l’Appel de Paris, quelle prise en compte des polluants chimiques sur la santé ?
C'était en 2004, l’Appel de Paris alertait sur l’impact de la pollution chimique sur la santé. 10 ans plus tard, les preuves scientifiques sur les causes environnementales de l’épidémie de maladies chroniques comme le cancer ou le diabète s’accumulent. Mais ces résultats tardent à être pris en compte dans la réglementation sur les substances chimiques et dans les politiques de santé. Bilan d’une action qui veut faire reconnaître cette pollution comme un "crime contre la santé publique".

© Philippe Desmazes AFP
En 2004, l’Appel de Paris était signé par de nombreuses personnalités scientifiques internationales, par l’ensemble des Conseils de l’Ordre des médecins des 25 États membres de l’Union européenne, par 1500 organisations non gouvernementales (ONG) et par 350000 citoyens européens.
Son mot d’ordre: alerter la société sur la responsabilité des produits chimiques dans l’épidémie de maladies chroniques qui touche les pays occidentaux. Cet appel a indéniablement permis à la santé environnementale de s’inviter dans le débat public. En France, en particulier, où cette question a été à l’ordre du jour du Grenelle de l’environnement, puis de la conférence environnementale en 2012.
Des évaluations toxicologiques à revoir
Concernant la réglementation sur les produits chimiques, l’Appel de Paris a contribué à renforcer le règlement européen Reach. Une liste de substances extrêmement nocives est en particulier établie en 2008. Cette évaluation, la plus exigeante en Europe, concerne aujourd’hui 155 substances. Si c’est dix fois plus qu’il y a 10 ans, cela reste tout de même insuffisant pour les organisations environnementales, puisqu’il y a des dizaines de milliers de substances sur le marché.
Pour de nombreux scientifiques, la réglementation continuera d’être inadaptée tant que les évaluations toxicologiques des produits chimiques ne seront pas revues. A leurs yeux, la toxicologie classique n’est plus valable car l’importance des conséquences à faible dose, l’accumulation des produits dans les organismes et les effets cocktails sont autant de modes d’action qui ne sont pas mesurés dans les essais en laboratoire.
Mais jusqu’à présent, l’industrie bloque sur la révision des dispositifs d’évaluation. L’absence d’une réglementation ad hoc sur les perturbateurs endocriniens est un exemple emblématique du retard de la réglementation sur les connaissances scientifiques.
En France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a opéré un virage dans la prise en compte des effets sanitaires des produits chimiques. L’interdiction du bisphénol A en 2012 est à ce titre exemplaire. Mais un exemple qui reste isolé.
Faire reconnaître la pollution comme "crime de santé publique"
Du côté de la santé, force est de constater "l’absence de politique cohérente en matière d’environnement et de santé publique", selon Dominique Belpomme, le cancérologue à l’initiative de l’Appel de Paris. Pour les scientifiques et les écologistes, les politiques de santé doivent en effet intégrer la prévention des maladies chroniques par une action sur l’environnement.
Quant au ministère de la Santé, il reste globalement sourd aux questions de santé environnementale. "Le projet de loi de santé publique (présenté en conseil des ministres mi-octobre 2014, NDLR) est une politique de soin. Il n’y a rien sur la prévention", regrette François Veillerette, de Générations futures.
Lors du colloque anniversaire de l’Appel de Paris, qui s’est tenu le 14 novembre à la maison de l'Unesco, les défenseurs de la santé environnementale ont ouvert un nouveau champ d’action: faire reconnaître la pollution comme "crime de santé publique".