Publié le 01 décembre 2015

ENVIRONNEMENT
Au Brésil, la coopération entre entreprises et ONG peut-elle sauver la forêt ?
La protection des forêts était ce mardi au cœur des discussions de la COP21, notamment dans le cadre de l'Agenda des solutions (ou Lima Paris Action Agenda). Car partout dans le monde, celles-ci sont menacées. Or la déforestation est responsable de 10 à 20 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Au Brésil, un pays particulièrement touché, une coalition de plus d'une centaine de membres, de tous horizons, a été lancée il y a un an pour lutter ensemble contre ce fléau. Une initiative pleine de bonnes intentions mais qui doit encore faire ses preuves.

Rodrigo Baleia / Agencia Estado - AFP
Entre janvier et juillet de cette année, l'Amazonie a perdu 6 000 km2 de forêt, rien que dans sa partie brésilienne. C'est l'équivalent de la surface du département de la Manche ! Sur cette période, la déforestation a augmentée de 16 % dans le pays alors que le Brésil annonçait l'an dernier avoir réussi à inverser la tendance.
Dans ce pays, l'agriculture est une richesse. Ses 57 millions d'hectares cultivés, en constante augmentation, fournissent des produits agricoles à toute la planète (le Brésil devrait bientôt devenir le premier exportateur agricole mondial) : en soja pour le bétail américain et européen ou en biocarburants notamment. C'est le principal poste d'exportation et la principale source de devises.
L'agriculture et la forêt : deux problématiques imbriquées...
La déforestation en est le dramatique pendant. Dans sa contribution nationale à la lutte contre le changement climatique présentée en amont de la COP21, le Brésil s'appuie donc largement sur la lutte contre la déforestation pour atteindre son objectif de réduction absolue de ses émissions de GES de 37 % d’ici 2025, et de 43 % d’ici 2030, par rapport à 2005.
Le pays devra notamment mettre fin à la déforestation illégale d’ici 2030, replanter 12 millions d'hectares de forêt et restaurer 15 millions d’hectares de pâturages dégradés. Tout en développant une agriculture bas-carbone. Un défi dans un pays où l’agro-business représente quasiment un quart du PIB.
...qui demandent l'implication de tous les acteurs
C'est justement ce défi que souhaite relever la Coaltion brésilienne sur le climat, les forêts et l'agriculture, lancée il y a tout juste un an, notamment pour pousser le gouvernement à aller plus loin dans ses engagements et l'aider dans sa mise en oeuvre. L'initiative est ambitieuse : il s'agit de lutter contre la déforestation et promouvoir l'agriculture durable en réunissant autour d'une même table, des entreprises à la vision très différente (Natura, Amata, Carrefour, Monsanto ou Cargill), des coalitions d'entreprises, des instituts (comme le World Resources Institute ou Imazon) et des ONG (WWF, l'Observatoire du Climat, Imaflora)...en tout, près de 120 organisations.
"Notre principal challenge était de surmonter nos différences pour trouver des points de compromis communs. Cela n'a pas été facile mais nous en avons trouvés plus que prévu", assure Roberto Waack, fondateur et président d'Amata, une société forestière. De ces compromis sont nées des recommandations au gouvernement brésilien, telles que mettre fin à la déforestation et à l'exploitation illégale du bois. Une évidence, mais qui ne va pas forcément de soi dans un pays où près de 80 % du bois est coupé illégalement (comme dans l'Etat du Para entre 2011 et 2012, selon l'institut brésilien Imazon). Parmi les autres recommandations formulées, restaurer des zones préservées, mettre en place des mécanismes de prix du carbone et des services écosystémiques ou encore promouvoir la transparence et l'assurance déforestation zéro nette dans toute la chaîne de production. "Certains membres de la coalition poussent vigoureusement pour une déforestation zéro tout court, mais il faut procéder par étape", souligne Roberto Waak.
De bonnes intentions à concrétiser
La vision de l'agriculture durable de la coalition paraît tout de même ambiguë, sinon plus. Dans son document de présentation, l'agriculture bas carbone passe notamment par l'extension de la production agricole, des produits issus de la foresterie et des agrocarburants dans "une optique durable et compétitive et permettant de retrouver les capacités de production des terres dégradées tout en baissant les émissions de gaz à effet de serre". Ou encore le "développement des opérations forestières commerciales sur les terres dégradées pour réduire la pression sur les forêts primaires".
Ce qui se dégage de ce consensus, "c'est que ce qui est bon pour l'environnement est bon pour le business. C'est essentiel pour que ces engagements soient acceptés par les différents secteurs", souligne José Luciano Penido, le président d'une grosse société papetière Fribria Celulose, membre de la coalition. Par les gros acteurs mais aussi par les plus petits, tant la déforestation constitue parfois l'unique solution pour les habitants d'Amazonie (voir notre article sur l'initiative de Veja sur le caoutchouc).
Si les ONG membres de la coalition comme le WWF, le Global Call for climate (GCCA) ou l'Observatoire du climat restent conscientes du rôle des grosses entreprises dans la déforestation, elles veulent donc aussi souligner le premier pas que cette initiative constitue et l'importance du dialogue qui s'est noué.
Reste pour cette coalition hétéroclite à faire ses preuves, au-delà des déclarations de bonnes intentions.