Publié le 22 septembre 2023
ENVIRONNEMENT
Projet d'usine suspendu, pollution, risque cancérigène : les industriels du plastique menacés aux États-Unis
La nouvelle pourrait contraindre les industriels pétrochimiques outre-Atlantique. D’après une récente évaluation, l'Agence de protection de l'environnement américaine pourrait considérer la production de PET comme contribuant à un risque déraisonnable pour la santé humaine. Une classification qui relance le débat sur les impacts environnementaux et sanitaires de la production plastique, alors que la mobilisation s’accentue contre les projets toujours plus nombreux.

GEORGE FREY / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
Aux États-Unis, l’inquiétude monte autour de l’industrie plastique. Alors que le pays, associé au Canada et au Mexique, représente le troisième producteur mondial d’après les données de Plastics Europe, les impacts liés aux conditions de fabrication des polymères soulèvent de plus en plus de questionnements parmi les citoyens, mais pas seulement. En juillet dernier, l'Agence de protection de l'environnement américaine (EPA) a en effet rendu une évaluation des risques sur la santé de la production de PET, un plastique présent dans de nombreux produits du quotidien comme les bouteilles d’eau, les cannettes et les tissus polaires.
Selon les conclusions de l’organisme, "la fabrication du PET contribue à un risque global déraisonnable lié au 1,4-dioxane, en ce qui concerne l'exposition professionnelle et l'exposition à l'eau potable", explique The National Law Review. Ce sous-produit est suspecté d’être cancérigène, avec un risque estimé "supérieur à 1 sur 10 000" pour les travailleurs détaille l’agence. Si le risque est confirmé, l’EPA pourrait obtenir la mise en place de réglementations obligatoires. "Il s’agira sans doute de limites à respecter dans les deux ans qui suivent, affirme auprès de Novethic Flore Berlingen, autrice spécialiste de l’industrie plastique et du recyclage. Cela pourrait être contraignant pour les industriels qui devront mesurer de manière plus fine leurs émissions."
Les communautés locales lancent l’alerte
Les additifs pétrochimiques utilisés lors de la transformation des matières plastiques sont par ailleurs régulièrement pointés du doigt pour leur impact sanitaire. Dans un rapport publié en 2019, le Center for International Environmental Law souligne la multiplicité des éléments toxiques et cancérigènes émis lors des étapes de production, qui menacent particulièrement la santé des travailleurs et des populations riveraines des sites de production. Les auteurs mentionnent également les risques posés par les accidents, comme les incendies ou les rejets chimiques, qui accentuent la pollution : entre 2017 et 2018, 73 incidents ont ainsi été répertoriés aux États-Unis par l’association Earthjustice.
Soucieuses de ces répercussions environnementales et sanitaires, les communautés locales sont bien souvent les premières à lancer l’alerte, à l’instar de l’opposition menée ces deux dernières années contre le "Sunshine project". Annoncée en 2018 par l’entreprise Formosa Plastics, la construction en Louisiane de ce méga projet pétrochimique a été stoppée il y a tout juste un an. L’usine dont le coût s’élève à plus de 9 milliards de dollars, en faisant l’un des sites industriels les plus chers de l’État, devait être implantée dans une région surnommée "cancer alley" en raison des multiples usines de produits chimiques qui s’y concentrent.
Aux États-Unis, la mobilisation s’accentue
D’après une analyse menée par le média américain ProPublica, la pollution de l’air serait dans cette zone "plus toxique en produits chimiques cancérigènes que 99,6% des zones industrialisées" des États-Unis. Des niveaux qui pourraient tripler avec l’arrivée du "sunshine project" estiment les journalistes d’investigation. L’usine qui devait produire du polyester, des canalisations ou encore des carrosseries de voitures, a ainsi vu ses "permis d'émission atmosphérique" révoqués par la justice suite à la forte contestation des riverains.
"Il y a une accentuation de la mobilisation ces dernières années", reconnait Flore Berlingen. Pour l’experte, le lien entre les impacts de l’industrie pétrochimique et l’urgence climatique se développent de plus en plus, en témoigne la présence de la Plastic Pollution Coalition lors de la grande marche climat qui a pris place dimanche 17 septembre dans les rues de New York. Un mouvement qui tarde toutefois à émerger au niveau européen, où les discussions se concentrent majoritairement autour de la gestion des déchets plastiques. "Nous importons la majeure partie du plastique vierge utilisé eu Europe et n’en subissons donc pas directement toutes les conséquences. En tout cas pas à la hauteur de notre consommation de plastique", rappelle Flore Berlingen.
Florine Morestin