Publié le 06 juin 2014

ENVIRONNEMENT

Nautilus Minerals, un pionnier qui sent le soufre

Top départ en 2015 : l’entreprise canadienne Nautilus Minerals s’apprête à exploiter le gisement d’or, de cuivre d’argent et de zinc situé dans l’océan Pacifique au large de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Mais des spécialistes de l’environnement s’inquiètent, notamment sur les risques pour la biodiversité. D’autant qu’en cas de succès, cette exploitation ouvrirait la voie à d’autres dans le monde. La France participe au débat : le 19 juin prochain, l’Ifremer et le CNRS publieront leurs conclusions sur "les impacts environnementaux de l’exploitation des ressources minérales marines profondes ".

photo sous marine
Fond sous-marin. Photo d'illustration.
© Marcel Mochet /AFP

Le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée vient de provisionner 113 millions de dollars pour se joindre au projet Salwara, après un accord scellé avec la société Nautilus. Cela met fin au différend qui les opposait depuis des années et annonce l’exploitation pour 2015 de ce gisement de métaux situé à 65 km du port de Rabaul et 1 500 m de profondeur dans la mer de Bismarck.  

Cela ne va pas sans alarmer des spécialistes de l’environnement. Le professeur Richard Steiner, de l’université d’Alaska, a déjà été consulté sur les répercussions de l’exploitation minière sur la biodiversité ; il est l’auteur d’une analyse critique qui souligne le peu de connaissances dont on dispose sur l’écosystème. Il s’inquiète : "L'identification génétique des espèces est loin d'être complète. Il y a probablement sur place des espèces endémiques. Elles risquent d'être détruites".

Professeur à l’université Duke, de Caroline du Nord, Cindy Lee Van Dover est une spécialiste reconnue de la biodiversité des océans. A ses yeux, "il y a de bonnes chances qu'il y ait des espèces endémiques sur le bassin de Manus, où Solwara est situé". Mais pas sur le site spécifique de la mine, qui fait 11 hectares. Elle ajoute que "chaque fois que nous allons sous l'eau, même dans un site déjà étudié, nous trouvons de nouvelles espèces".

Quel impact sur l’écosystème ? 

 

Selon l'exploitant canadien Nautilus Minerals, il n'y a rien à craindre pour l'écosystème : ce sont en tout cas les conclusions de l'étude d'impact environnemental. Toutes les précautions seront prises, assure la directrice de l'environnement de l'entreprise, Samantha Smith. Elle insiste sur la fiabilité de l'environnement à Solwara. "De nombreux exemples ont montré que des environnements comme Solwara sont résilients aux perturbations et même à des impacts causés par des tremblements de terre ou des éruptions volcaniques ".  

Pour les chercheurs de l’Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer), les métaux qui se déposent sous forme de sulfures métalliques côtoient un écosystème qui reste rare et encore inconnu. un environnement dont l'étude a sérieusement débuté depuis seulement 20 ans. Nautilus Minerals se veut pourtant rassurant. "Nous avons développé plusieurs stratégies pour minimiser et compenser les impacts", insiste Samantha Smith. Par exemple, des robots sous-marins (drones) déplaceront les blocs de sédiments qui contiennent la plus grande biomasse vers une zone refuge temporaire. "Nous testons actuellement différents types de substrats artificiels à Solwara. Pour déterminer ceux qui seront les plus efficaces pour la relocalisation animale".   

 

Un enjeu d’avenir

 

L’enjeu du débat est important. Outre des espèces animales restant à découvrir, Solwara contient, en effet, plus de 5 % de cuivre : c'est beaucoup plus que les mines terrestres, qui s'épuisent. La plus importante au monde, Escondida (Chili), a vu sa teneur passer de 2,7 % à 1,4 % entre 1993 et 2008. Si on ajoute que la demande en cuivre devrait continuer de croître, il n'est guère étonnant que les géants miniers s’intéressent à ces ressources ; les groupes Anglo American et Metalloinvest sont d’ailleurs au capital de Nautilus Minerals.  

La France, dont la zone maritime est la deuxième plus grande au monde, n'est pas absente du débat. Le 19 juin prochain, le CNRS et l'Ifremer présenteront à Paris les conclusions d'une mission d'expertise scientifique collective menée sur "les impacts environnementaux de l'exploitation des ressources minérales marines profondes ".

Thibault Lescuyer
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