Féris Barkat, en tant que cofondateur du collectif Banlieues climat, quel serait votre vœu pour 2024 ?
Féris Barkat – Mon vœu serait que les individus qui sont les premiers concernés par la pollution de l’air puissent avoir un droit à la compensation et à la réparation des dommages liés à la santé. Or les premiers concernés sont justement les habitants des quartiers populaires qui vivent près des axes autoroutiers. C’est un sujet d’autant plus d’actualité que la Commission européenne a proposé une révision de la Directive sur la qualité de l’air. Avec le Parlement, elle propose un texte assez ambitieux qui permettrait aux victimes d’obtenir une compensation et une réparation. Une mère de famille qui dirait : "Mon fils à de l’asthme à cause de la pollution" pourrait ainsi aller en justice. Aujourd’hui, le Conseil de l’UE freine les avancées alors que le minimum est que les gens subissant les conséquences de la pollution de l’air puissent demander réparation.
Pourquoi les banlieues sont les plus touchées par la pollution de l’air ?
D’un point de vue narratif, c’est une histoire très intéressante. Cela rejoint l’histoire de la compensation en France qui a débuté en 1810. Les usines et industries chimiques qui s’approchaient trop des centres-villes devaient payer beaucoup d’argent car les plus riches se plaignaient des nuisances. La justice a ordonné la fermeture ou le déplacement de ces usines. Les industriels ont donc déplacé ces structures de plus en plus loin des centres-villes, près des banlieues, là où les gens n’étaient pas forcément sensibilisés à ces problématiques de pollution et d’impact sur leur santé. Ce qu’on veut porter comme message est que l’histoire ne se répétera pas. Notre santé est importante, on va exiger réparation et en l’occurrence ça passe par des lois au niveau européen. C’est un enjeu qui symbolise l’injustice environnementale par excellence.
Considérez-vous qu’il y a une prise de conscience des pouvoirs publics et des habitants sur cet enjeu ?
C’est un sujet peu médiatisé donc invisible. C’est d’autant plus le cas puisqu’on parle des particules les plus fines, les PM1. Pourtant, au niveau mondial, la pollution de l’air cause 9 millions de morts par an et génère une perte de 2 ans d’espérance de vie. Par ailleurs, il y a à la fois un manque d’études et à la fois un manque de courage politique. C’est pourquoi avec Banlieues climat on a choisi de sensibiliser les pouvoirs publics en prenant des exemples concrets. Par exemple, les JO 2024 : on va purifier l’air des athlètes à 90% dans le village olympique parce qu’il se trouve en Seine-Saint-Denis. Mais les habitants, on en fait quoi ? Avec ce genre d’exemple on peut interpeller les pouvoirs publics. Ils ne peuvent plus dire que ce n’est pas un problème. Si ça l’est pour les athlètes, ça l’est aussi pour les habitants.
Propos recueillis par Marina Fabre Soundron