Publié le 15 décembre 2023
La Redoute relance son offre de seconde main, interrompue moins d’un an et demi après sa création. À une différence près : le modèle choisi par la marque ne repose plus sur la vente entre particuliers mais sur un réseau de partenaires professionnels. Un virage qui reflète les difficultés rencontrées par les acteurs de l’habillement à s’approprier le marché de l'occasion en pleine explosion.
La Reboucle renait de ses cendres. Le service de seconde main imaginé par La Redoute propose depuis octobre 2023 un nouveau modèle reposant sur une sélection de partenaires professionnels. Dès son lancement fin 2020, La Reboucle s’inscrit dans une tendance aujourd’hui adoptée par de nombreuses enseignes de mode, des géants de la fast-fashion aux maisons de luxe. Le concept : permettre aux clients de la marque d’acheter ou de revendre leurs vêtements, accessoires et même meubles, entre particuliers, pour leur donner une seconde vie. 


Mais à peine plus d’un an et demi après sa création, le service ferme discrètement ses portes faute d’avoir convaincu un public assez large. La Redoute n’a pour autant pas tiré un trait sur le marché de l’occasion. D’un service entre particuliers à la manière de Vinted, l’une des plateformes leader de la seconde main en Europe, la marque est passée à un concept "C-to-B-to-C". Cela signifie que La Redoute vend désormais des produits d’occasion collectés et sélectionnés auprès de particuliers par des partenaires professionnels. Le tout est présenté au sein d’une seule et même interface réunissant articles neufs et de seconde main.


Un modèle moins contraignant pour la marque


Un changement de direction qui questionne la capacité des acteurs traditionnels de la mode à réellement s’approprier le modèle de la seconde main. Pour Coline Laurent, co-fondatrice du collectif Encore, ce virage reflète en premier lieu une professionnalisation du marché. "Mais cela illustre surtout la difficulté d’adapter le modèle C-to-C (de particulier à particulier, ndr) aux entreprises. Il est très difficile à mettre en place parce qu’il demande beaucoup de travail au client. Derrière, il faut ensuite que la demande soit au rendez-vous, explique à Novethic la spécialiste de l’économie circulaire. Le fait que La Redoute change son fusil d’épaule montre qu’ils ne croient plus à ce modèle."


En choisissant de se reposer uniquement sur des partenaires professionnels, parmi lesquels Smala pour la mode enfant, Debongout pour le mobilier ou encore Crushon pour l’habillement, La Redoute s’affranchit donc du sourcing des articles. "Ils se dédouanent complément de la provenance du gisement", regrette Coline Laurent. Au passage, plus aucune solution n’est proposée aux clients pour se débarrasser de leurs vêtements. En se positionnant en tant que marketplace référençant une sélection de partenaires, La Redoute prend par ailleurs moins de risques si l’offre de seconde main ne rencontrait pas le succès escompté. 


"La seconde main est condamnée à rester de la vitrine" 


Alors que le marché mondial de l’occasion explose depuis plusieurs années et devrait représenter 350 milliards de dollars d’ici 2027 selon GlobalData, reste donc à savoir si ce nouveau modèle permettra à la marque de prendre sa part du gâteau. "Jusqu’à présent, je n’ai pas connaissance de retailer développant une initiative de seconde main rentable", souligne Coline Laurent. Boosté par la crise sanitaire, les acteurs e-commerce du secteur de l’habillement ont vu leurs ventes augmenter de +80% entre 2019 et 2022 d’après l’Alliance du commerce. Face à cette forte progression, les chiffres de l’occasion pâtissent en effet de la comparaison avec les ventes de produits neufs. 


"De ce point de vue, la seconde main est condamnée à rester de la vitrine" pour les grandes marques, estime la spécialiste du marché, qui tient néanmoins à nuancer l’indicateur. Conditions et lieux de production, rémunération des ouvriers textiles, qualité et durabilité des produits… "Les taux de rentabilité sont décorrélés de la réalité, affirme-t-elle. Dire aujourd’hui que la seconde main n’est pas rentable, c’est se baser sur des modèles qui ne peuvent plus fonctionner et qu’il est nécessaire de repenser."
Florine Morestin
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