Publié le 05 avril 2019
ENVIRONNEMENT
Économie circulaire : supprimer la TVA sur les produits responsables est rentable pour l'économie
Une expérimentation de la Fondation 2019, menée avec l’Ademe et trois entreprises partenaires dont Seb, démontre que le poids des externalités environnementales entre un produit issu de l’économie circulaire et un produit classique peut représenter entre 6 % à 20 % du prix de vente. Cela équivaut précisément aux taux de TVA appliqués en France, qui varient de 5,5 % à 20 %. Une opération à l'équilibre économiquement et qui inciterait les consommateurs à privilégier les produits responsables.

@CC0
Le débat vient d’être relancé par Michel-Édouard Leclerc. Le patron des hypermarchés a proposé une TVA à 0 % sur les produits bio. Une idée à laquelle adhère le ministre de la Transition écologique et solidaire. "Je souhaite, en effet, que tout ce qui est bon pour l’écologie, le climat et l’environnement soit aidé – parfois pour démarrer des filières [qui] ont besoin d’aides publiques – et surtout moins taxé. Et donc que l’on puisse moduler la fiscalité", a déclaré François de Rugy sur CNews le 22 mars dernier.
Au même moment s’achevait une expérimentation (1) menée par le fonds de recherche Fondation 2019 et l’Ademe, avec trois entreprises partenaires dont Seb, sur la mise en place d’une TVA circulaire qui favoriserait les produits éco-conçus. Selon les résultats, les gains d’externalités entre un produit éco-conçu et un produit équivalent classique peuvent varier de 6 % à 20 % sur le prix de vente. Cela équivaut précisément aux taux de TVA appliqués aujourd'hui en France, situés entre 5,5 % et 20 %. L'opération s'avérerait donc rentable économiquement.
Les externalités représentent 139 euros pour un bureau vendu à 333 euros
Par exemple, pour un bureau vendu 333 euros, les externalités négatives environnementales représentent 139 euros, et 6 % de moins pour la version éco-conçue. Cette dernière plus légère est moins gourmande en ressources. Pour une poêle 100 % recyclée, les gains d’externalités atteignent 12 % du prix de vente par rapport à un produit classique. Et pour un service de nettoyage "au juste nécessaire", c’est-à-dire adapté selon les besoins, on atteint une différence de 20 %.
"Nous avons prouvé qu’il était possible de mesurer des externalités tangibles et que les produits éco-conçus en présentaient moins que les produits de référence. Ça vaut donc le coup de s’y intéresser", résume Romain Ferrari, fondateur de Fondation 2019. Parmi les impacts évalués, il y a le changement climatique, la pollution de l’air, l’épuisement des ressources ou encore la toxicité humaine cancérigène.
Achat public au cycle de vie
Tous les signaux sont donc au vert pour envisager de passer à une TVA circulaire sauf que les taux de TVA sont étroitement réglementés par l’Union européenne. Les taux réduits ne peuvent s’appliquer qu’à une liste de produits et services définis. La France pourrait négocier avec Bruxelles et les États membres, mais cela prendrait du temps sans aucune garantie.
"Nous sommes un peu coincés d’autant que Bercy est fermement opposé à une baisse de la TVA qui se traduirait par une baisse des recettes annuelles, commente Romain Ferrari. Mais il existe d’autres outils qui peuvent être mis en place plus rapidement comme les appels d’offres publics au coût du cycle de vie autorisés par une récente directive européenne ou les monnaies complémentaires."
Lorsqu’une collectivité achète par exemple une flotte de véhicules ou remplace son parc informatique, elle pourra intégrer le coût des externalités (pollution de l’air, réchauffement climatique…) dans le coût global avant de prendre sa décision. Le calculateur mis au point pendant l’expérimentation pourrait être utilisé dans ce cadre-là.
Une monnaie complémentaire pour compenser les externalités
Un autre outil envisagé est l’émission d’une monnaie complémentaire locale versée en complément du gain d’externalités. Cet instrument est pertinent pour les produits à faible TVA comme les produits agro-alimentaires. La différence entre un litre de lait conventionnel et un litre de lait bio serait ainsi reversée en monnaie complémentaire, financée par la collectivité.
Comme pour la TVA circulaire, cela permettrait de redonner du pouvoir d’achat au citoyen mais aussi de favoriser l’économie locale et les circuits-courts. "Les élus sont partants ! Xavier Bertrand (Hauts-de-France) veut que sa région soit en tête sur cette expérimentation, confie Romain Ferrari. Nous sommes actuellement en discussion avec la coopérative Biolait et l’Ademe pour lancer une étude dès cette année".
Concepcion Alvarez, @conce1
(1) Voir la conclusion de l'expérimentation ici.