Publié le 10 juillet 2019
ENVIRONNEMENT
La loi sur l'économie circulaire divise sur sa mise en oeuvre
Réparation encouragée, consigne pour améliorer le tri, destruction des invendus interdite: le projet de loi "pour une économie circulaire" a été présenté au conseil des ministres ce matin. L'objectif - tenter de réduire le gaspillage et l'impact croissant de nos déchets sur l'environnement- fait globalement consensus. Mais les modalités d'application divisent encore les professionnels.

©Ministère de la Transition écologique et solidaire
Attendu par les industriels, les collectivités comme les associations de consommateurs et de défense de l'environnement, le projet de loi pour une économie circulaire vient d’être présenté en conseil des ministres. En préparation depuis plus d'un an, le texte a été étoffé au fur et à mesure pour en réhausser l'ambition. Il sera examiné par le Parlement à la rentrée.
Préserver les ressources et le climat
Son objectif : tenter de réduire le gaspillage et l'impact croissant de nos déchets sur l'environnement. Ses enjeux, multiples : éviter nuisances et pollutions liées aux déchets, préserver les ressources et le climat, favoriser les emplois non délocalisables en développant la réparation. Politiquement, elle doit aussi permettre au gouvernement, d'ancrer davantage son action dans la tendance écologique. Avec cette loi, le gouvernement veut réussir "l'alliance de l'économie, de la solidarité et de l'environnement", précise la secrétaire d'État à la Transition écologique Brune Poirson. Les attentes sociétales en la matière sont fortes, a-t-elle insisté.
Les équipements électriques et électroniques vont devoir afficher un indice de réparabilité (une note sur 10). Comme les garagistes aujourd'hui, leurs réparateurs devront pouvoir proposer des pièces détachées d'occasion. Les distributeurs en ligne auront l'obligation de reprendre les produits usagés pour toute vente de produit neuf, ce qui n'était le cas que pour les vendeurs physiques jusqu'à présent. Le texte interdit aussi la destruction des produits non alimentaires neufs (650 millions d'euros chaque année en France). Ils devront être réemployés ou recyclés mais rien n'est dit sur la façon de privilégier la première option plutôt que la seconde.
Collecte spéciale jouets ou mégots
Pour renforcer le principe du pollueur-payeur, un "bonus-malus" viendra inciter à l'incorporation de matières recyclées dans les produits. Il s'agit en fait d'une modulation renforcée des éco-contributions allant jusqu'à 20% du prix des produits.
Le texte crée aussi 6 nouvelles filières de "Responsabilité élargie des producteurs" (REP), en plus des 14 existantes. Cela contraint donc de nouveaux secteurs à prendre en charge le traitement de leurs déchets jusqu'ici supporté par les collectivités. Parmi les produits qui seront progressivement concernés: les jouets, articles de sport, de bricolage, cigarettes (30 milliards de mégots jetés chaque année en France dont une bonne part dans la nature) puis, à partir de 2024, les lingettes. Seront aussi concernés les matériaux de construction, un des gros secteurs alimentant le flux de déchets. Aujourd'hui sur 4,6 tonnes de déchets par habitant, 600 kg sont des déchets ménagers, 700 kg d'entreprises. Le reste est représenté par des matériaux de construction.
Des modalités d'application à définir
Mais toutes ces propositions devront encore trouver leurs modalités d'application dans des décrets et règlements futurs. Ainsi les détails de mise en place d'un retour de la consigne font l'objet d'un comité de pilotage prévu pour durer encore plusieurs mois. Son but : améliorer la récupération des contenants à des fins de recyclage, et non plus de réemploi comme dans les années 1970. Pour l’instant, les matériaux (verre, plastique, canette…) concernés eux-mêmes ne sont pas connus.
Mais déjà, les acteurs affichent leurs divergences. Les professionnels de la boisson, qui récupéreraient la matière, sont généralement pour. Les professionnels du recyclage, eux, sont circonspects. Les collectivités, aujourd'hui chargée de collecter les emballages, ont aussi exprimé leurs craintes car elles perdent une source de revenu (via la vente des matières les plus valorisables), et risquent de se retrouver avec des sites de traitement sur-dimensionnés.
Des sanctions possibles
"Je souhaite que l'État soit à la manoeuvre pour que l'intérêt des collectivités, des entreprises de recyclage soit respecté. L'infrastructure et le coût de mise en oeuvre de la consigne seront pris en charge par les industriels, au moins à hauteur de 80%", a tenté de rassurer Brune Poirson. Par ailleurs, "des sanctions financières, potentiellement pénales, seront déterminées pendant le débat parlementaire. L'Etat contrôlera et va renforcer les pouvoirs de police des maires, notamment en matière de dépôts sauvages", a-t-elle ajouté.
Le texte, dont l’ambition est de poser les bases d’un système économique plus vertueux, devrait en tout cas générer des discussions. "C'est un bon projet, mais qui demande vigilance et compléments pour changer la donne", souligne le député Matthieu Orphelin (ex-LREM), un ancien de l'Agence de maîtrise de l'énergie (Ademe). Il demande particulièrement la fixation d’"un objectif de réduction de la production de déchets, notamment en plastique". Quant au député François Michel Lambert (ex-LREM), également président de l'Institut national de l'économie circulaire, il regrette "un projet de loi de réparation et non une loi d'anticipation". Pour changer les règles, le député (Liberté et territoires) demande au Premier ministre de rattacher l'économie circulaire à Bercy et non au ministère de la Transition écologique et solidaire
L’association de défense des consommateurs UFC-Que choisir relève, elle, des propositions "positives", comme l'indice de réparabilité, à condition cependant qu'il soit bien affiché. Et que les filières de recyclage soient également en mesure de produire des résultats suffisants. Pour les Amis de la Terre, le projet de loi "contient de réelles nouveautés sur les enjeux de consommation", mais "n'est pas à la hauteur de l'urgence climatique". "Les plus grandes avancées environnementales et sociales (...) sont formulées au conditionnel", ajoute l'association.
Béatrice Héraud avec AFP