Publié le 19 août 2022
ENVIRONNEMENT
Augmenter le prix de l'eau pour les loisirs, une solution à la crise de l'eau ?
Et si on augmentait le prix de l'eau ? C'est l'idée de Nicolas Roche, professeur spécialisé sur les problématiques de l’eau. Si les usages vitaux -hygiène, alimentation...- resteraient gratuits, l'enjeu est d'inclure une valeur environnementale à l'eau utilisée pour les loisirs comme l'arrosage des pelouses. Toute la semaine, Novethic se plonge dans la crise de l'eau et ses solutions. Eaux usées, méga bassines, toilettes sèches... ces pratiques sont-elles vraiment vertueuses ?

GUILLAUME SOUVANT / AFP
Le prix de l’eau payée dans de nombreux pays ne reflète en rien son coût réel. En France, "la ressource est gratuite, à la différence de l'essence par exemple où la matière première, le pétrole, a un coût", souligne Nicolas Roche, Professeur spécialisé sur les problématiques de l’eau à l’université d’Aix en Provence. "On ne paie que les services associés à l’eau : le traitement de l'eau potable la distribution, l’évacuation et le traitement des eaux usées …environ 40% de la facture est liée à l’eau potable et 60% pour les eaux usées", explique le chercheur au Cerege, laboratoire de recherche en géosciences.
La ressource est en effet largement subventionnée pour pouvoir rester abondante dans tous les foyers. "La tarification de l'eau n'a généralement aucun rapport avec la rareté de l'eau ou les réalités sur le terrain", ajoute Alexis Morgan, responsable de la gestion mondiale de l'eau pour le World Wildlife Fund. Mais ce modèle devient obsolète dans un monde où la ressource se fait de plus en plus rare, où même l’eau de pluie devient impropre à la consommation partout dans le monde. En effet, selon une étude de l’Université de Stockholm, l’eau de pluie est polluée et donc non potable peu importe où l’on se trouve sur la planète.
Un prix en fonction des usages et de la disponibilité de l'eau
"La question de la pertinence de ce modèle se pose, particulièrement en situation de tension sur la ressource", souligne ainsi Nicolas Roche. En effet, alors que la France vit une période de sécheresse historique, des centaines de communes sont confrontées à des situations de pénurie. Pour inciter les Français à réduire leur consommation, les autorités ont appelé à cesser certaines activités comme laver les voitures, arroser les pelouses, remplir les piscines... Mais ces recommandations ont été peu suivies.
Ainsi, pour mieux préserver la ressource, "il faut trouver un modèle économique et inclure une valeur environnementale de l’eau. L’enjeu est de fixer un prix de la ressource en fonction de sa disponibilité et de ses usages. Bien sûr, les usages vitaux comme, l’hygiène ou l’alimentation doivent rester gratuits. Mais il devient envisageable de rendre payant la ressource pour les usages de confort ou récréatifs, comme l’arrosage des pelouses", avance Nicolas Roche. "Par exemple, au-delà d’une certaine quantité d'eau consommée (en moyenne 100 litres d’eau potable par jour par Français) on peut considérer que l’eau est utilisée pour le confort et sa tarification inclut une valeur environnementale de l'eau variable selon la disponibilité de la ressource", ajoute l'expert. Ce changement de paradigme pourrait inciter les usagers à être plus attentifs à la ressource.
Des entreprises fixent un prix interne de l'eau
Pour les entreprises aussi, il est temps de revoir le modèle. "Quand l’eau est une matière première, elle devrait être payante. Par exemple la production d’un litre de bière nécessite 20 litres d’eau or ce produit est ensuite commercialisé, il est donc envisageable de donner un prix à cette matière première", détaille ainsi Nicolas Roche. Des entreprises ont déjà anticipé ces changements et se fixent des prix internes de l'eau plus élevés que ce qu'elles paient, comme Nestlé, Colgate-Palmolive ou encore Anheuser-Busch selon Greenbiz. Ce système est comparé au prix interne du carbone, adopté par certains groupes pour tenir compte du "coût" des émissions de carbone. Ces stratégies visent à mieux gérer la ressource, encourager les entreprises à atteindre leurs objectifs et évaluer les investissements à venir dans ce domaine.
"Il faut revoir le modèle économique de l’eau. Le but est de rendre le cycle d'usages de l'eau plus sobre, plus efficace et de réutiliser au mieux les eaux usées traitées avant de les rejeter. Il est essentiel de s'appuyer sur ces trois piliers simultanément", affirme ainsi Nicolas Roche.
Mathilde Golla @Mathgolla