Un sommet pour éviter de "perdre la course" pour le climat
Quatre ans après l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat, "Nous sommes en train de perdre la course", selon Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU. Car pour avoir une chance de stopper le réchauffement du globe à +1,5°C, le nouveau seuil à atteindre depuis la publication du rapport du GIEC en octobre 2018, il faudrait que le monde soit neutre en carbone en 2050. Nous en sommes loin, même avec les engagements pris à Paris. Antonio Guterres veut cependant rester optimiste : "La recherche scientifique nous dit que ces objectifs restent atteignables"… à condition de faire de nouveaux efforts. C’est d’ailleurs ce qui était prévu par l’Accord de Paris : les pays devaient rehausser leurs ambitions en 2020. Ce que les pays doivent réaffirmer dans une déclaration générale publiée à l’issue du sommet.
Envoyer des signaux politiques et économiques forts
Le sommet du 23 n’est pas une nouvelle session de négociation. Il ne s’agit pas de se substituer aux COP qui se tiennent chaque année et dont la prochaine se déroulera au Chili du 2 au 13 décembre. Le but est de mettre un nouveau coup d’accélération à l’action, via "des signaux politiques et commerciaux puissants" adressés aux chefs d’État ainsi qu’aux acteurs économiques et financiers. Pour Laurence Tubiana, dirigeante de la European Climate foundation, il s’agit ni plus ni moins que de "faire de l’Accord de Paris une réalité".
Le message adressé par Antonio Guterres est donc on ne peut plus clair : "Je veux qu’on me dise comment nous allons mettre fin à l’augmentation des émissions d’ici 2020, et réduire les émissions de façon drastique pour atteindre la valeur nette de zéro émission d’ici le milieu du siècle." 60 dirigeants sont attendus à New York, à New York. Certains comme la France et le Royaume Uni ont déjà inscrit la neutralité carbone dans des lois. D’autres ont annoncé des ambitions plus élevées comme l’Inde ou la Chine, pour laquelle on attend des engagements sur les nouvelles routes de la soie. D’autres pourraient le faire plus tard, comme l’Union européenne quand la nouvelle Commission prendra ses fonctions (en novembre).
Des efforts à faire indispensables
Le niveau d’efforts nécessaires est la transformation "rapide et profonde" de "notre façon de faire des affaires, de produire de l’électricité, de construire des villes et de nourrir la planète", a insisté Antonio Guterres. Pour cela, les États sont notamment appelés à supprimer progressivement les subventions aux énergies fossiles, à taxer le carbone ou à refuser de financer les centrales à charbon après 2020. Un récent rapport de l’Institut international du développement durable (IIDD) montre que la réaffectation de 10 à 30 % des subventions des énergies fossiles – 5 200 milliards de dollars en 2017 – pourrait financer la transition vers une réduction des émissions carbone. Quant à la taxation des combustibles polluants, elle est "trop faible", pour peser efficacement sur le changement climatique, avertit l’OCDE.
Les entreprises, elles, devraient annoncer de nouveaux engagements et solutions (technologies bas carbone, plantation d’arbres, réduction de consommation énergétique, etc.) pour s’aligner sur une trajectoire 1,5°C. Le 22 septembre, à l’initiative de We Mean Business, du Global Compact et des Science-Based Targets, 87 grandes sociétés ont ainsi annoncé leur engagement. On y trouve Danone, Schhneider Electric, Suez, Saint Gobain, Nestlé, Unilever…
L’industrie lourde, fortement émettrice – comme l’acier, responsable de 7 % des émissions mondiales de CO2-, est aussi attendue au tournant. Une plateforme sera ouverte pour les entreprises s’engageant à produire sans fossiles. Et une initiative conjointe de la Suède et de l’Inde va être lancée autour de l’industrie bas carbone. De son côté, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, expliquera aux délégués comment éviter une crise financière due au climat, une hypothèse qui est sérieusement envisagée par de nombreux experts.
Une géopolitique défavorable
La géopolitique du climat est bien moins favorable qu’en 2015 lors de la signature de l’Accord de Paris. Depuis, nous avons assisté au retrait des États-Unis et à la prise de distance de grands pays comme le Brésil. Au sein de l’Union européenne, qui fait souvent figure de leader climatique, trois pays (Pologne, République tchèque et Hongrie) s’opposent encore à l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050.
Enfin, des pays, gros émetteurs, qui ont longtemps freiné les négociations climatiques, sont aujourd’hui beaucoup plus allants comme l’Inde ou la Chine et devraient profiter du sommet pour le montrer. Et la préoccupation du changement climatique monte dans l’opinion mondiale. Un sondage mené dans huit pays par l’ONG britannique "HOPE not hate" place la crise climatique en tête des préoccupations majeures des citoyens devant l’immigration, le terrorisme et l’économie mondiale.
Béatrice Heraud @beatriceheraud