Publié le 24 juin 2019
ENVIRONNEMENT
Total mis en demeure de s’aligner avec l’Accord de Paris, avant une attaque en justice
Soutenues par plusieurs ONG, 14 collectivités françaises ont mis en demeure Total de s’aligner avec l’Accord de Paris et de revoir son plan de vigilance. Le pétrolier français avait déjà été interpellé en octobre dernier sur son manque d’ambition climatique. Il a publié un nouveau document en mars jugé toujours décevant par les territoires. Ceux-ci menacent d’assigner la multinationale en justice dans trois mois.

@Total-Yamal LNG
Deuxième tir de sommation pour Total. Quatorze collectivités (1) – soutenues par les associations Notre Affaire à Tous, Les Eco Maires, Sherpa et ZEA – ont mis en demeure le pétrolier de s’aligner avec l’Accord de Paris afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Elles exigent ainsi un nouveau plan de vigilance plus ambitieux, faute de quoi elles pourraient l'attaquer en justice à la rentrée.
Depuis 2017, la loi sur le devoir de vigilance oblige les multinationales françaises à établir un tel plan pour évaluer, prévenir et réduire leurs impacts sociaux et environnementaux sur l’ensemble de leur chaîne de valeur, y compris leurs sous-traitants ou fournisseurs à l'étranger. Or, les collectivités estiment que les mesures annoncées dans le plan 2019 sont "clairement insuffisantes, et en deçà des efforts nécessaires au respect des objectifs internationaux reconnus par l'Accord de Paris".
"Poursuivre avec fermeté"
En octobre dernier, celles-ci avaient déjà interpellé la major pour lui demande de présenter un plan de vigilance qui prenne en compte "la réalité des impacts de (ses) activités et les risques d'atteintes grave au système climatique qu'elles induisent". Huit mois plus tard, après un nouveau plan de vigilance et une rencontre avec le PDG Patrick Pouyanné, ces collectivités jugent que Total manque toujours à ses obligations. "Nous allons poursuivre avec fermeté", a assuré le président des Eco Maires, Guy Geoffroy, lors d'une conférence de presse.
Le PDG de Total a affirmé pour sa part, dans un communiqué, que le groupe pétrolier était "ouvert au dialogue" en vue "d'engager des initiatives concrètes avec les collectivités locales qui le souhaitent". Il a souligné avoir expliqué à ses interlocuteurs comment la stratégie de Total intègre le changement climatique, en "se développant notamment dans le gaz naturel et l'électricité bas carbone".
Deux tiers des émissions de la France à elle seule
Selon un rapport publié fin mai (2) par Notre affaire à tous, 350.org et Les Amis de la Terre France, Total s’appuierait dans ses comptes consolidés sur un scénario qui mène à un réchauffement compris entre 2,7°C et 3,3°C, bien loin des objectifs de l’Accord de Paris qui prévoient un réchauffement maximal de 2°C, voire 1,5°C d’ici la fin du siècle. Le groupe multiplie par ailleurs les méga-projets fossiles au Canada dans les sables bitumineux, en Arctique ou encore dans la région des Grands lacs africains.
Les émissions de gaz à effet de serre de la multinationale française représentent ainsi à elles seules plus des deux tiers de l'ensemble des émissions de la France (en prenant en compte son activité en propre et les émissions liées à l'usage des énergies fossiles qu'elle produit). Ce qui la place dans les vingt multinationales qui contribuent le plus au monde au changement climatique.
"Le modèle économique poursuivi par Total ne permet donc pas de prévenir la menace immédiate et potentiellement irréversible pour les sociétés humaines (...) et expose l’entreprise à des risques financiers de dépréciation de ses actifs ainsi qu’à de poursuites légales de nature à entraîner des conséquences négatives très importantes pour l’entreprise", concluent les ONG dans leur rapport.
Concepcion Alvarez, @conce1
(1) Arcueil, Bayonne, Bègles, Bize-Minervois, Champneuville, Correns, Est-Ensemble Grand Paris, Grande-Synthe, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran et Vitry-le-François.
(2) Voir le rapport "Total : la stratégie du chaos Climatique".