Publié le 14 avril 2020
ENVIRONNEMENT
Secteurs aérien et pétrolier: pas de plans de sauvetage sans engagements climatiques et sociaux
Les plans de sauvetage pour les secteurs durement touchés par la crise liée au coronavirus, comme le transport aérien ou l'industrie pétrolière, devront être assortis de "conditions environnementales et sociales", exigent 250 ONG internationales. Elles rappellent l'impact négatif de ces secteurs sur le climat et la nécessité de profiter des plans d'aides pour assurer leur transformation écologique.

@CCO
Durement touchés par la crise, les secteurs aériens et pétroliers demandent aujourd’hui des aides de l’État pour passer le cap. Une demande déjà entendue par certains pays comme le Canada ou les Etats-Unis ont déjà répondu positivement à l’appel avec des plans massifs. Mais l’Europe ne doit pas suivre ce chemin sans assortir ses aides de conditions climatiques comme des plans climat alignés sur un objectif de réchauffement de 1,5°C, sous peine d’aggraver la trajectoire climatique déjà mauvaise, alertent les ONG.
Elles demandent aussi que ces aides aillent en priorités aux employés, pour assurer une transition juste, et que les États en profitent pour mettre en place une taxe sur le kérosène, un carburant très émetteur de gaz à effet de serre. Pour appuyer leur demande, plus de 250 ONG internationales dont le Réseau Action Climat, se sont ainsi regroupées pour lancer une pétition pour dire "Non au sauvetage inconditionnel du secteur aérien !". Le 7 avril, celle-ci avait recueilli près de 30 000 signatures.
Imposer des conditions climatiques et sociales
"Si les compagnies sont renflouées sans conditions, il y a fort à parier que la croissance du secteur reprenne dans quelques mois. Au contraire, les Etats sont maintenant dans une excellente position pour imposer des conditions au secteur et l'engager à réduire enfin ses émissions", plaident ces ONG, qui citent comme précédent le plan de sauvetage de l'industrie automobile américaine sous Barack Obama, qui incluait des engagements d'investissement dans les véhicules "propres".
Plusieurs compagnies aériennes s’étaient engagées dans des stratégies de neutralité carbone, via notamment des initiatives de compensation. Mais la crise actuelle pourrait geler celles-ci. L'association des compagnies aériennes a en effet déclaré que les plans actuels pour compenser les émissions de gaz à effet de serre par rapport à une base de référence 2019-2020 imposeraient un "fardeau économique inapproprié au secteur". En France, alors que le trafic aérien s'est effondré de plus de 90 %, le gouvernement n'exclut pas de nationaliser Air France-KLM, dont l'État est actionnaire à hauteur de 14%. Il a aussi accepté le report de taxes et redevances aéronautiques en 2021 et 2022. "Le gouvernement doit exprimer clairement les conditions environnementales et sociales qu'il souhaite imposer en contrepartie de ces aides", demande ainsi le Réseau Action Climat (RAC).
Exiger une stratégie de diversification pour les pétroliers
Autre secteur visé: le secteur pétrolier. Les Amis de la Terre alertent sur une aide publique aux "parapétroliers français sans condition", en prenant l'exemple du groupe Vallourec, frappé par la chute des cours du pétrole. L'association insiste sur une contrepartie "de stratégie de diversification de ses activités pour sortir des énergies fossiles et assurer une transition juste à ses salariés". Mais face au plaidoyer des ONG, le lobbying pétrolier est très actif pour justement assouplir les contraintes climatiques, selon l'ONG influenceMap. Dans une note publiée début avril, elle précise que les lobbyistes sont "très actifs" pendant la période du Covid-19: "Une partie de cette activité est dédiée à obtenir des soutiens pour les industries les plus touchées, mais une autre tendance émerge sur l’urgence climatique."
De son côté, le WWF propose de conditionner les aides publiques de toutes les grandes entreprises et des banques à leur contribution "à la transition écologique". Pour l'ONG, il s'agit de réorienter la production et les ventes du secteur automobile vers des véhicules électriques. Quant au secteur énergétique, il s'agit de réduire notre dépendance aux fossiles et notamment au pétrole pour renforcer les filières françaises d’énergies renouvelables en diversifiant et relocalisant les chaînes d’approvisionnement.
Béatrice Héraud avec AFP