Publié le 6 août 2023
Un essai transposé en film. Sabotage, en salles depuis le 26 juillet, est une adaptation très libre du livre "Comment saboter un pipeline" du militant suédois Andreas Malm. Son nom vous est peut-être familier ? L’auteur a été mis en cause par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, dans le décret de dissolution des Soulèvements de la Terre.

"Sabotage", un titre sans ambiguïté. Dans ce nouveau film de Daniel Goldhaber, de jeunes militants pour le climat s’organisent pour saboter un pipeline aux États-Unis. Derrière cette fiction, en salles depuis le 26 juillet, il y a un essai intitulé "Comment saboter un pipeline"* signé du militant suédois pour le climat et maître de conférences en géographie humaine, Andreas Malm.
S’appuyant sur les luttes passées, l’auteur y défend l’idée que face à l’inaction climatique des gouvernements, la mobilisation pacifique ne suffit pas, et qu’il faut un nouveau volet plus radical, basé sur le sabotage d’infrastructures écocidaires. Qu’il s’agisse de dégonfler les pneus des SUV ou encore de saboter des pipelines.

Un film où les militants écolos sont (enfin) les héros


Le film met en scène huit jeunes Américains qui se retrouvent dans une maison abandonnée au Texas avec un objectif unique : saboter un pipeline. Et plus précisément le plus important de tous les États-Unis. Arrivés là pour des raisons diverses, tous sont directement touchés par l’industrie pétrolière. Il y a l’Américain moyen, exproprié de son terrain pour permettre le passage d’un pipeline, un autochtone dont la réserve est exploitée ou encore une jeune femme atteinte d’un cancer prématuré en raison de la pollution de l’air… Ainsi, ce film a la puissance d’explorer tous les visages de ceux qui décident un jour de passer à l’acte.
Préparation minutieuse des explosifs, flash-backs sur les parcours de chacun, déroulé du plan jusqu’à l’après-attentat… pas une minute de respiration n’est laissée au spectateur happé par ce rythme effréné. "Sabotage" reprend tous les codes du film américain commercial, entre le film de braquage à la "Ocean’s Eleven" et le bon vieux western. Et ce afin d’en faire un plaidoyer efficace sur la résistance et la lutte contre la destruction de l’environnement. Quitte à faire sauter le tabou de l’action violente en ultime recours.

Un film efficace à l’heure où l’Homme n’a plus le choix


Interrogé sur France Culture, le réalisateur explique qu’avec son essai, "Andreas Malm démontre qu’il faut pouvoir monter une résistance plus solide face au changement climatique, parce que les enjeux sont véritablement apocalyptiques". Cependant, il précise : "le film n’a pas pour but d’inciter les gens à faire sauter des oléoducs, mais de leur montrer que c’est possible et potentiellement défendable".
Thèse que défend également l’éditeur de "Comment Saboter un pipeline", après les accusations portées à Andreas Malm par Gérald Darmanin, dans le décret de dissolution du groupe Les Soulèvements de la terre, accusant son auteur de "terrorisme intellectuel". Pour Jean Morisot, "il était important pour le ministre de tout mettre derrière une pensée, une pensée qui fait peur. Mais à un moment donné, c’est aussi un constat, c’est aujourd’hui devenu un scénario possible", reconnaît-il auprès de Novethic.
Dans une tribune au Monde, l’auteur suédois s’en est défendu : "si le livre était si provocateur et dangereux que le décret le laisse entendre, les services de police auraient donc mis trois ans pour lire et assimiler quelque 200 pages". Ironie de l’histoire, les ventes de "Comment saboter un pipeline" ont été propulsées depuis juin et la sortie du locataire de la place Beauvau. Plus de 15 000 exemplaires sont aujourd’hui en circulation… et peut-être plus encore après le visionnage de "Sabotage". 
Blandine Garot
* Andreas Malm, Comment saboter un pipeline, éditons La Fabrique, 160 pages, 14 euros.

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