Publié le 10 février 2023

ENVIRONNEMENT

Le mouvement climat doit intégrer les classes populaires pour mobiliser (3/3)

De la création de groupes aux modes d’action ultra médiatisés, à la nouvelle stratégie plus modérée d’Extinction Rebellion au Royaume-Uni, depuis quelques mois le mouvement climat se renouvelle, dans l’espoir de toujours mieux alerter et fédérer. Au cœur des réflexions, la radicalité des méthodes employées mais aussi le positionnement des collectifs. Pour le sociologue spécialiste des mouvements sociaux et climat Jean-Baptiste Comby, auteur de Mobilisations écologiques*, l’enjeu repose sur la capacité des organisations à mobiliser les classes populaires.

Cet article est le troisième épisode d'une série consacrée à la désobéissance civile.

Manifestation paris justice climat et social THOMAS COEX AFP
Les actions des activistes se multiplient depuis plusieurs mois pour porter en haut de l'agenda la crise climatique.
THOMAS COEX / AFP

Extinction Rebellion, Just Stop Oil, Dernière Rénovation… Quel regard portez-vous sur les changements en cours au sein du militantisme climatique ?

Jean-Baptiste Comby - On peut repérer un double mouvement. D’une part, on observe une conflictualisation plus forte, avec des modes d’actions plus offensifs. S’ils ne sont pas nouveaux - je pense notamment au mouvement des faucheurs volontaires au début des années 2000 - ils se sont accentués et démultipliés au cours de la dernière décennie. Quand ils s’en prennent à des emblèmes de la société de consommation, ces modes d’action peuvent avoir comme contrepartie de mettre à distance certains groupes sociaux pour lesquels ces actions peuvent paraître hors-sol. La deuxième tendance, plus timide, consiste en un décloisonnement de certaines mobilisations écologiques qui essaient de penser leurs combats au prisme des dominations de classe, de race et de genre. 

Est-ce que les actions de désobéissance civile toujours plus radicales ont un réel impact ?

Il est nécessaire de dissocier deux formes de désobéissance civile, qui reposent sur deux philosophies bien différentes. La première recherche le coup d’éclat médiatique, il s’agit essentiellement d’interpeller et d’attirer l’attention du plus grand nombre. On retombe alors sur la philosophie devenue très libérale de la "prise de conscience". Le second a surtout pour objectif de bloquer et mettre hors d’état de nuire les responsables de l’écocide. C’est par exemple le cas de l’action qui a récemment visé l’usine Lafarge à côté de Marseille. Cela n’a pas la même portée ni la même signification. 

Comment doit évoluer le mouvement climat pour réussir à rassembler ?

Mon rôle n’est pas de conseiller mais d’observer pour comprendre. Et ce que je peux notamment observer c’est une préoccupation accrue des organisations écologistes pour mobiliser les classes populaires. Mais cette orientation stratégique se heurte au fossé sociologique qui existe entre les mondes populaires et ceux, plus privilégiés, dans lesquels la plupart des écologistes évoluent. L’enjeu qui selon moi se dessine est donc le suivant : le mouvement écologiste va-t-il parvenir à créer les conditions sociales d’une mobilisation populaire autour des questions environnementales ? Cela suppose qu’il s’acculture davantage à la sociologie des classes populaires mais surtout qu’il veille à ne pas les déposséder de leurs manières spécifiques de penser l’enjeu écologique.

*Jean-Baptiste Comby et Sophie Dubuisson-Quellier (dir.), Mobilisations écologiques, Paris, Puf/La vie des idées, à paraître.

Propos recueillis par Florine Morestin


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