17 juin 2022, annonce officielle du ministère de l’Education nationale : l’école ne sera pas obligatoire dans les douze départements placés en alerte rouge canicule par Météo France. Parmi eux : l’Île-de-France et la capitale Paris. Ce même épisode caniculaire avait d’ailleurs contraint le ministère à reporter les épreuves du brevet du collège "pour garantir la sécurité des élèves".
Un phénomène exceptionnel ? Pas vraiment. En 2019, écoles maternelles et primaires de la région parisienne avaient déjà fermé leurs portes en raison des fortes chaleurs. Et cela risque bien de se reproduire de plus en plus fréquemment, car les canicules sont devenues la norme. Il y a aujourd’hui en moyenne 13 jours caniculaires par an dans la capitale, et il y en aura entre 26 et 56 d’ici à la fin du siècle, selon les scénarios d’émissions.
"Il va donc falloir s’adapter", insiste Alexandre Florentin, élu écologiste à Paris et président de la mission d’information "Paris 50°C". "Et la priorité est aujourd’hui d’engager une transformation du bâti parisien, et notamment les écoles qui se sont avérées être inadaptées aux nouvelles contraintes climatiques".
Exit l’asphalte
Ce que confirme auprès de Novethic Cyrille Peyraube, directeur de cabinet de Patrick Bloche, adjoint à la Mairie de Paris chargé de l’éducation. Notamment en raison de "leur caractère minéral". Et c’est pour corriger cela que Paris a lancé dès 2017 un chantier d’envergure : celui de débitumer les 760 cours d’école que compte la capitale afin de les transformer en cours "oasis". Cela représente au total plus de 70 hectares d’îlots de chaleur urbains à métamorphoser en îlots de fraîcheur.
"L’enjeu est d’enlever le bitume pour le remplacer par des sols qui absorbent l’eau tout en végétalisant pour rendre ces espaces plus supportables lors des fortes chaleurs", explique Cyrille Peyraube. L’asphalte emmagasine la chaleur le jour pour la relâcher la nuit, tandis que la végétation la retient non seulement peu, mais leur évapotranspiration est rafraîchissante, et ce sans compter l’ombre apportée par les arbres. Cet été, une trentaine de cours oasis devrait s’ajouter aux 102 déjà existantes.
"Ces dernières sont plus végétalisées que les premières réalisées, et cela a un réel impact sur le rafraîchissement de la cour et plus largement de la ville", a indiqué à Novethic Jacques Baudrier, adjoint à la Mairie de Paris en charge de la construction publique, du suivi des chantiers, de la coordination des travaux sur l’espace public et de la transition écologique du bâti. Ces cours "oasis" bénéficient principalement aux élèves, mais elles pourraient, durant les fortes chaleurs, servir d’espace de refuges pour les riverains en dehors des temps scolaires. À noter que lorsque cette végétalisation est impossible par manque d’espace, des ombrières peuvent également être installées.
Un bâti ancien à rénover, un chantier d’envergure
Quant à l’adaptation des bâtiments scolaires à la chaleur, c’est un chantier à part entière, qui en est encore au stade de la réflexion. Pour l’élu de Paris, Alexandre Florentin, "le mauvais état thermique des bâtiments scolaires parisiens est un réel enjeu pour les années à venir". Lors de sa mission "Paris 50°C", il a pu constater l’ampleur des travaux à réaliser. Comme dans cette école du 13e arrondissement "où il fait anormalement chaud". Or, selon une étude menée par des chercheurs de l’université d’Harvard, la chaleur a des effets négatifs significatifs sur les fonctions cognitives des jeunes adultes. D’ailleurs, une étude complémentaire a montré que la probabilité de réussir un examen diminuait de 11% si la température ambiante passait de 22°C à 32°C.
"Nous sommes en train de travailler sur un plan de transformation afin d’engager une rénovation thermique et permettre à ces infrastructures de s’adapter au changement climatique. Il n’est pas encore abouti et nécessitera des investissements considérables" prévient le directeur de cabinet. En attendant, Paris teste "à titre expérimental" la technique du "cool roof", à savoir de peindre en blanc le toit d’un bâtiment pour refléter plus de lumière et absorber moins de chaleur. L’objectif étant de faire baisser la température intérieure de 3 à 4 °C. Et la crèche Louis Blanc, dans le 10e arrondissement, sera la première à expérimenter cette solution dès la rentrée de septembre. Ainsi, la capitale devra-t-elle dire adieu dans un avenir proche à ses toits en zinc pour s’adapter à la crise climatique ? "Pas sûr, confie Cyrille Peyraube, puisque cette méthode fait débat parmi les amateurs du patrimoine parisien".
Blandine Garot