Publié le 25 septembre 2020
ENVIRONNEMENT
En pleine crise climatique, les vols d'avion sans destination rencontrent un vrai succès
Alors que le secteur aérien bat de l'aile depuis la pandémie de Covid-19, des compagnies proposent des vols à destination de... nulle part. Le concept est simple : partir d'un point pour revenir au même endroit quelques heures plus tard. Des vols qui rencontrent un succès fou auprès des voyageurs nostalgiques alors que le secteur est pointé du doigt pour son impact environnement. Une "aberration écologique" qui ne passe pas.

Eva Air
C’est un phénomène surprenant qui prend de l’ampleur à l’international. Avec la pandémie de Covid-19, le trafic aérien a considérablement chuté laissant les accros des vols sur le carreau. Mais c’était sans compter l'imagination des compagnies aériennes. Elles proposent des vols vers nulle part. Il s’agit, concrètement, de vendre des billets d’avion sans aucune destination. La compagnie australienne Qantas a ainsi proposé le 18 septembre 130 billets pour un vol de sept heures. Le prix des billets variait de 500 à 2 300 euros. En 10 minutes, l'avion était complet.
"C’est probablement le vol le plus vendu de l’histoire de Qantas", a déclaré le PDG de la compagnie, Alan Joyce, dans un communiqué remis à CNN. "Les voyages et l’expérience du vol manquent clairement aux gens. S’il y a une demande, nous allons vraiment songer à effectuer davantage de ces vols, en attendant l’ouverture des frontières", a-t-il ajouté. Pendant sept heures, les passagers ont survolé des lieux australiens célèbres comme le port de Sydney ou la Grande barrière de Corail.
La compensation carbone ne suffit pas
Ce concept vient d’Asie, où les compagnies aériennes multiplient ce type d'expériences. La compagnie taïwanaise Eva Air a été une des premières à se lancer sur ce marché. Mi-août elle a fait décoller son avion A330 aux couleurs du personnage Hello Kitty pour célébrer la fête des pères. Pendant 2h45, les voyageurs ont survolé l’île et le trajet de l’avion a tracé un cœur dans le ciel. Royal Brunei a déjà organisé au moins cinq vols qui tournent en rond. Même chose pour la compagnie japonaise All Nipon Airways.
EVAair planned a special #HelloKitty flight this past Saturday, August 8, 2020 as a fun way for passengers to celebrate Taiwan’s Father’s Day. Take a look at the photo of the flight map. The Captain created a heart shape around Parpa, to bless all the fathers in the world. pic.twitter.com/yoFAc8mycC
— EVA Air (@EVAAirUS) August 12, 2020
Si ces compagnies vantent le "bien-être" offert aux voyageurs nostalgiques, l'impact environnemental de ces vols ne passe pas sur les réseaux sociaux. "Dites-moi les compagnies aériennes, les vols pour nulle part, c'est pour mieux observer les incendies vu du ciel ou assister en direct à la mort des barrières de corail ? Il faut cesser cette aberration écologique!", demande Karima Delli, présidente de la commission Transport au Parlement européen.
Dites-moi les compagnies aériennes, les vols pour nulle part, c'est pour mieux observer les incendies vu du ciel ou assister en direct à la mort des barrières de corail ? Il faut cesser cette aberration écologique ! https://t.co/WsmUe67zeR
— Karima Delli (@KarimaDelli) September 22, 2020
Face au tollé, une porte-parole de Qantas a expliqué, dans un email envoyé au New York Times, qu'elle avait acheté des compensations carbone pour atténuer l'impact du vol de sept heures. Royal Brunei Airlines a de son côté avançait qu'elle utilisait un Airbus A320neo, qui émet moins que de nombreux autres avions.
Une opposition directe au Flygskam
Des arguments qui n’ont pas convaincu alors que l’impact environnemental du secteur aérien est particulièrement montré du doigt ces dernières années. Selon l’organisation indépendante International Council on Clean Transportation (ICCT), les vols commerciaux ont émis 918 millions de tonnes de CO2 en 2018, soit 2,4 % des émissions de gaz à effet de serre de la planète. En France par exemple, le gouvernement a sommé Air France de réduire drastiquement ses vols intérieurs dès lors qu’une alternative ferroviaire de moins de 2h30 entre en concurrence.
On observe deux mouvements opposés prendre de l’ampleur. D’un côté, le phénomène de "honte de prendre l’avion", le "flygskam", qui consiste à boycotter l’avion pour des raisons écologiques. Il a notamment été relayé par la jeune activiste Greta Thunberg qui a préféré, l’année dernière, rejoindre le Forum économique mondial en train (malgré les 32 heures de voyage) plutôt qu’en avion. Et de l’autre, ces accros aux avions et à "l’expérience" du vol.
Marina Fabre, @fabre_marina