Publié le 18 décembre 2020
ENVIRONNEMENT
Le protoxyde d’azote, l'autre ennemi oublié du climat
Communément dénommé "gaz hilarant", le protoxyde d’azote n’a rien d’amusant. C'est en effet le troisième gaz à effet de serre le plus présent dans l'atmosphère, responsable du changement climatique mais aussi de la destruction de la couche d'ozone. Et sa concentration ne cesse de croître : + 30 % depuis 1980 en raison de l'explosion de l'utilisation d'engrais azotés dans l'agriculture. En France, les citoyens de la Convention climat appellent à taxer leur utilisation.

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C’est le troisième gaz à effet de serre le plus présent dans l’atmosphère, après le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4). Le protoxyde d’azote (N20) est responsable de 6,5 % des émissions de gaz à effet de serre avec un pouvoir réchauffant 300 fois plus important que celui du CO2 et une durée de vie plus longue, de 120 ans environ. Il participe également à la destruction de la couche d’ozone. Depuis 1750, sa concentration a augmenté de 22 % . Et de 30 % si l’on ne prend que les quatre dernières décennies, alertent le Global Carbon Projet et l’International Hydrogen Initiative, dans une étude parue début octobre dans la revue Nature.
"Le principal moteur de l'augmentation de la concentration du protoxyde d’azote dans l’atmosphère vient de l'agriculture, et la demande croissante de nourriture et d'aliments pour animaux va encore augmenter les émissions mondiales. Il y a un conflit entre la façon dont nous nourrissons les gens et la stabilisation du climat" prévient le professeur Hanqin Tian, auteur principal de l’étude. "Les émissions actuelles suivent une trajectoire d’'augmentation de la température mondiale au-dessus de 3°C, soit le double de l'objectif de température de l'Accord de Paris" ajoute le professeur Robert Jackson, président du Global Carbon Project.
La France, principal consommateur européen d'engrais
Les principaux contributeurs à la croissance de ce gaz à effet de serre sont situés en Asie et en Amérique. En Chine, en Inde mais aussi aux Etats-Unis, les émissions de N20 proviennent essentiellement de l'utilisation d’engrais chimiques tandis qu’en Afrique et en Amérique du Sud, celles-ci sont dues à l’épandage de fumier ou de lisier. Seule l’Europe a réussi à réduire ses émissions de N20 depuis 1990, grâce à la mise en place de politiques industrielles et agricoles favorables et à l’optimisation de l'efficacité de l'utilisation des engrais.
L’azote est en un élément nutritif essentiel à la croissance des plantes, mais même s’il est naturellement présent dans le sol, les agriculteurs en utilisent pour booster les rendements. Ainsi depuis 1960, la consommation d’engrais de synthèse a explosé dans le monde : + 800 %. La France est le principal consommateur européen de ces substances et représente 8 % de la consommation mondiale. Une dizaine de millions de tonnes de fertilisants minéraux sont utilisés dans l'Hexagone chaque année, selon le ministère de la Transition écologique, dont cinq à six millions d'engrais azotés.
Pour limiter leur utilisation, la Convention citoyenne pour le climat a proposé que soit inscrite dans le budget de l'Etat la mise en place d'une taxe sur les engrais chimiques. Ce recours à la fiscalité doit permettre de financer les alternatives, mais la proposition n'a pas été reprise dans le Projet de loi de Finances pour 2021. Elle fait en revanche partie des premiers arbitrages rendus début décembre par Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, sur le futur projet de loi CCC. Une trajectoire de réduction des émissions d’ici 2030 va être mise en place avec une fiscalité associée pour les agriculteurs dès 2024, a-t-elle assuré.
Concepcion Alvarez @conce1