Publié le 15 novembre 2021
ENVIRONNEMENT
COP26 : Le pacte de Glasgow, reflet du déni climatique des pays riches
Le dénouement de la COP26, marqué par l’intervention de l’Inde pour demander non plus une sortie du charbon mais une réduction, n’est en fait que le résultat de décennies de déni climatique de la part des pays riches. Sur la réduction des émissions, la solidarité avec les pays du Sud et la sortie de toutes les énergies fossiles, ils ont manqué à leurs promesses. Cela n’a fait que contribuer à creuser le fossé et la méfiance entre les deux blocs.

PAUL ELLIS / AFP
"Le problème c’est le fossé entre les textes et la réalité", a réagi le climatologue Jean Jouzel, de retour de la COP26, interrogé par Libération. Depuis 1992 et la conférence de Rio, qui a donné naissance aux fameuses COP, les États les plus pollueurs se sont progressivement engagés à limiter leur impact climatique. L’Accord de Paris a relancé la dynamique avec la mise en place des contributions nationales déterminées, les NDC, que les pays devaient actualiser avant la COP26. Mais à la veille – et même encore au lendemain – du sommet, les différentes analyses montrent que nous ne sommes toujours pas sur la voie d’un réchauffement limité à 1,5°C.
Et les pays riches ont une sacrée responsabilité. Parmi les plus mauvais élèves, la Russie et l’Australie n’ont même pas pris la peine de déposer une NDC plus ambitieuse en 2021 qu’en 2015. Plus globalement, aucun État n’est aujourd’hui aligné sur l’objectif 1,5°C, selon le Climate Action Tracker. Et au lieu de réduire nos émissions de 45 % d’ici 2045, nous devrions encore les augmenter de 14 % d’ici 2030. Le Pacte de Glasgow appelle bien à une relève de l’ambition d’ici 2022. Mais le rendez-vous risque encore une fois d’être manqué, sapant la confiance entre les pays du Nord et les pays du Sud déjà impactés par le changement climatique.
"Trois jeunes enfants en pleurs devant une rivière asséchée"
Ces derniers ont été très nombreux à défiler à la tribune du Scottish Event Campus, qui accueillait la COP26, pour témoigner de leur réalité à eux. "Pendant que vous êtes confortablement assis sur votre siège, plus de deux millions de personnes ont faim dans mon pays. J'ai vu de mes propres yeux trois jeunes enfants pleurer devant une rivière asséchée après avoir marché 20 km avec leur maman pour chercher de l'eau", a lancé Elizabeth Wathuti, une jeune militante kenyane, aux dirigeants du monde réunis à Glasgow. Le ministre des Affaires étrangères de Tuvalu, une île menacée du Pacifique sud, s’est quant à lui adressé à la COP26 les pieds dans l’eau.
Mais c’est avec indifférence que les pays riches ont répondu à ces messages en refusant de financer les pertes et dommages. À la place du mécanisme de facilité proposé par les pays vulnérables, soutenu par une large majorité de pays, c’est un dialogue de deux ans sur les modalités de financement qui a été proposé. "Cette COP reflète le cynisme des pays riches qui prononcent des discours pleins d’empathie face aux caméras, mais changent de ton dès les portes des salles de négociation closes. Au pied du mur, les pays vulnérables ont dû se contenter d’un lot de consolation. Proposeriez-vous à quelqu’un qui est en danger de mort de venir l’aider, mais seulement d’ici deux ans ?" réagit Fanny Petitbon de l’ONG Care France.
"Une COP de pays du Nord"
Cette question des financements cristallise depuis toujours les négociations entre pays du Nord et pays du Sud. Et la promesse non tenue des 100 milliards de dollars n’a fait que creuser encore plus le fossé entre les deux blocs. Le dénouement de la COP26, avec le changement de derrière minute demandé par l’Inde sur une "réduction" et non une "sortie" du charbon, n’est dès lors pas très étonnant.
Le pays était arrivé avec de nouveaux engagements climatiques assez forts à la COP26 mais ces-derniers étaient conditionnés à un soutien financier. L’Inde avait également demandé, dans un souci d’équité, à ce que toutes les énergies fossiles soient citées dans le texte. Très dépendante du charbon, elle a sans doute estimé que ce n’était plus à elle de céder. L’Inde est d’autant moins à blâmer qu’elle n’était pas seule à la manœuvre. Soutenue par la Chine, elle a également reçu en coulisses l’aval des États-Unis.
"Le problème n'est pas l'Inde", a écrit sur Twitter Brandon Wu, directeur des politiques et des campagnes pour Action Aid USA. "Le problème, c'est que les États-Unis et les pays riches refusent d'inscrire l'élimination progressive des combustibles fossiles dans le contexte de l'équité mondiale." "Comme redouté, la COP26 s’est avérée être une COP de pays du Nord, qui reflètent donc les priorités des pays riches" conclut Aurore Mathieu, du Réseau action climat.
Concepcion Alvarez @conce1