Publié le 19 avril 2019
ENVIRONNEMENT
Extinction Rebellion, le mouvement de désobéissance civile, débarque en France
Les actions de désobéissance civile sont de plus en plus plébiscitées par les militants écologistes. Ce vendredi 19 avril, trois grandes ONG – Greenpeace, Les Amis de la Terre et ANV-COP21, soutenues par une dizaine d’autres, appellent à une action de masse pour "bloquer la République des pollueurs". Extinction Rebellion y participe. Ce mouvement venu d’outre-Manche promet une escalade d’actions directes non violentes mais illégales dans les prochains mois en France. Novethic les a suivi dans l'une de leurs actions.

@Concepcion Alvarez
"Et 1, et 2, et 3 vêtements ! A ce rythme-là, on sera tous perdants ! H&M … boycott ! Extinction … rébellion !" Ce vendredi soir, ils étaient une cinquantaine de manifestants, en combinaison blanche ou bleue, un sablier peint sur le devant, à investir le parvis d'un magasin H&M, en plein cœur de Paris. Entre touristes amusés, passants pressés et acheteurs interloqués, ils enchaînent les slogans appris quelques heures plus tôt. "Les manifs ça ne suffit pas, il faut passer à l’action" lance Nestor, 62 ans, en enfilant sa combinaison.
Ce 12 avril est le prélude à une action de plus grande ampleur organisée ce vendredi 19 avril par trois ONG - Greenpeace, Les Amis de la Terre et ANV-COP21 - et soutenue par une dizaine d’autres, contre la "République des pollueurs" alors que se tient partout dans le monde la Semaine de la rébellion internationale. La désobéissance civile est devenue la nouvelle arme des militants écologistes pour se faire entendre des politiques et des citoyens.
Mouvement citoyen, décentralisé et auto-organisé
Extinction Rebellion (XR) France a officiellement été lancée le 24 mars dernier, marquant le début d’actions de désobéissance civile non-violente dans tout le pays. Il compte environ un millier de membres actifs. "Nous sommes un mouvement citoyen contre l’effondrement écologique et social de notre monde. Nous fonctionnons de façon très décentralisée et auto-organisée via un forum web sécurisé et des réunions locales" explique Sophia, 26 ans, doctorante en sciences. XR est sa première expérience militante.
Le lieu de rendez-vous a été envoyé par texto une heure auparavant. Un bruit de crécelle sonne le début de la mobilisation. Et d'un coup, tout s’anime, selon la chorégraphie dévoilée une heure plus tôt aux participants, lors d'un brief à huis-clos. Une chaîne humaine se forme, une centaine de sacs de vêtements récupérés sont vidés devant les vitrines colorées de la célèbre marque suédoise, un cordon de sécurité est mis en place, des pancartes assemblées et une banderole siglée "Victimes de la mode" hissée sous le nom de l’enseigne. L’espace, habituellement prisée des fashionistas, est transformé en lieu de revendication.
Autour de la montagne de vêtements déversés sur le trottoir, des militants, mains peintes en rouge et dressées en l’air, et une jeune fille qui diffuse la bonne parole dans son mégaphone : "tout le monde doit prendre conscience que ce n’est pas normal d’acheter un t-shirt à huit euros ou un jean à 20 euros car ce n’est pas le vrai prix : derrière, leur fabrication détruit des écosystèmes et exploite des travailleurs. Il est temps d’arrêter d’être des victimes de la surconsommation. C’est une question de vie ou de mort."
"C’est trop fort de faire ça devant H&M" sourit une passante qui immortalise le moment avec son smartphone. "Vous avez raison" lance un autre. Certains, plus indifférents, franchissent le cordon humain qui bloque l’entrée du magasin malgré les appels au boycott de la marque. "Quand on marche pour le climat, et que parallèlement, les Gilets jaunes, défilent, les medias retiennent le Fouquet’s et pas notre action pacifiste. Il faut changer de ton et mener des actions coup de poing plus interpellantes que de manifester ou signer une pétition. Nous sommes à un tournant", constate Mathilde, responsable juridique de 39 ans.
Prêts à faire de la prison
Parmi les revendications du mouvement, la reconnaissance de l’urgence écologique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’arrêt de la destruction des écosystèmes et la création d’une assemblée citoyenne. Pour cela, les 1 576 signataires de la tribune de déclaration de rébellion sont prêts à tout, même à la prison. "Quand l’État abandonne délibérément sa responsabilité de protéger ses citoyen·ne·s, il rompt lui-même le contrat social. La révolte devient alors notre droit le plus sacré, et notre devoir le plus indispensable. Nous sommes prêt·e·s à enfreindre la loi et à en subir les conséquences, y compris l’emprisonnement".
En cette semaine de la rébellion internationale, organisée par XR international, des blocages intermittents (swarming) pour alerter les passants et les automobilistes sur la catastrophe écologique ont été menés dans le nord de Paris. Le mouvement promet des actions en escalade, de plus en plus fortes et de plus en plus fréquentes. Jusqu’au blocage d’accès comme le périphérique.
A Londres, où est né Extinction Rebellion en octobre dernier avant de s’étendre à une cinquantaine de pays, des milliers de militants ont bloqués routes et transports, ainsi que cinq lieux emblématiques de la capitale (Marble Arch, Oxford Circus, Waterloo Bridge, Parliament Square et Piccadilly Circus), cette semaine. Près de 500 militants ont été arrêtés.
Concepcion Alvarez, @conce1