Publié le 13 mai 2021
ENVIRONNEMENT
Suppression de vols domestiques : la France précurseuse dans le monde
[La loi climat mise à l'épreuve] C'est une première dans le monde. La France va interdire les vols domestiques lorsqu'il existe une alternative en train de moins de deux heures et demie. Si des initiatives existent en Europe, aucun autre pays n'a encore légiféré sur le sujet. Mais, attention, préviennent des experts, la disparition de vols courts pourrait donner plus de place pour les vols courriers et au final desservir le climat. Alors que le projet de loi a été voté début mai à l'Assemblée nationale, Novethic en décrypte les mesures phares.

@olrat
La mesure a été saluée dans la presse étrangère. Le média britannique The Guardian titrait même qu'elle devrait être "un appel au réveil de la Grande-Bretagne". La France a fait parler d’elle, en décidant, dans le cadre du projet de loi Climat et résilience, de supprimer les vols intérieurs lorsqu’il existe une alternative en train à moins de 2h30. Cela signifie par exemple la suppression des liaisons entre Paris (Orly) et Lyon, Nantes ou Bordeaux, hors correspondances.
La France est le premier du monde à légiférer à ce sujet. Mais si la mesure est en passe d'être inscrite dans la loi, elle avait déjà été actée en amont. Dans le cadre du plan de relance de septembre 2020, le gouvernement français avait octroyé une aide de sept milliards d’euros à Air France, à condition que la compagnie opère "une réduction drastique des vols intérieurs, limitée aux transferts vers les hubs, chaque fois qu'il y a un itinéraire alternatif en train qui peut être complété en deux heures et demie". La loi permet d'appliquer cette restriction à l'ensemble des autres compagnies aériennes.
Des initiatives en Europe
Sans faire l'objet d'une législation, des initiatives similaires ont été observées en Europe. La compagnie aérienne autrichienne Austrian Airlines a par exemple annoncé en juillet 2020 transférer ses vols entre la capitale Vienne et Salzburg vers un service de train plus fréquent, afin d’elle aussi répondre aux critères environnementaux imposés par le plan d'aide gouvernemental. Il exige de la compagnie une réduction des émissions des vols intérieurs de 50 % d'ici 2050 et de la suppression des vols lorsqu'une alternative en train direct prend "considérablement moins de trois heures".
Le transfert des vols vers le train a le vent en poupe. L'année dernière, la compagnie aérienne néerlandaise KLM s'est associée à des compagnies ferroviaires domestiques et belges pour remplacer un vol Amsterdam-Bruxelles par jour. En Allemagne, la compagnie Lufthansa a mis en place une collaboration avec le réseau ferroviaire, la Deutsche Bahn.
Ne pas tout miser sur le ferroviaire
Ces initiatives ne suffisent toutefois pas pour déployer des politiques ambitieuses en matière de réduction des émissions de CO2 du secteur aérien. "Il important de poursuivre la mesure car elle permet au transport ferroviaire de se développer, d’être plus compétitif, et de réduire les émissions de CO2, explique Jo Dardenne, spécialiste de l'aviation durable au sein de la fédération européenne Transport & Environnement. Mais cela n’adresse qu’une petite partie du problème. Il ne faut pas oublier que deux tiers des émissions sont liés aux vols long-courriers, qui peuvent seulement être décarbonés en remplaçant les carburant fossiles dans les avions. C’est pourquoi l'Europe se tourne surtout plutôt vers le développement de carburants alternatifs."
Xavier Tytelman, consultant en aéronautique, met lui aussi en garde. La mesure de suppression de vols domestiques peut se révéler contre-productive si les créneaux rendus disponibles dans les aéroports sont attribués à des vols long-courriers, beaucoup plus polluants.
Pauline Fricot, @PaulineFricot