Publié le 31 juillet 2020
ENVIRONNEMENT
L’aviation, frappée de plein fouet par le Covid-19, est sommée de se verdir sans attendre
Les rapports se multiplient pour appeler à verdir l’aviation et proposer des solutions viables. Outre des progrès techniques indispensables, la plupart des experts appellent à réduire drastiquement le nombre de passagers dans les dix à vingt prochaines années. Ce constat remet en cause l’aviation de masse et les déplacements rapides à l'autre bout du monde.

@CC0
Le transport aérien est responsable de 7,3 % de l’empreinte carbone de la France si l’on prend en compte les traînées de condensation et les cirrus. Et la tendance est nettement à la hausse. Ses projections de trafic s’avèrent ainsi difficilement compatibles avec les engagements internationaux en matière climatique. "L’intégralité des efforts nécessaires pour aligner la France sur la trajectoire de la neutralité carbone serait annihilée par le secteur aérien s’il devait continuer de croître", prévient ainsi le cabinet B&L Evolution dans un rapport sur l’avenir de l'aviation, publiée le 21 juillet (1).
Le secteur, l'un des seuls avec le transport maritime à n’avoir pas été inclus dans l’Accord de Paris, s'est finalement résolut à prendre des engagements. À partir de janvier 2021, sur une base volontaire, puis obligatoire à partir de 2027, les compagnies aériennes devront acheter des crédits carbone pour compenser la croissance des émissions depuis 2019. Il s’agit du dispositif Corsia. Mais d’ores et déjà, sur le dos du Coronavirus et face au ralentissement brutal du trafic aérien, le système vient - encore - d’être revu à la baisse.
Les nouveaux carburants à la rescousse
Initialement, c’est la moyenne des émissions entre 2019 et 2020 qui devait servir de base de référence. Mais, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a décidé, début juillet, de ne garder que la seule année 2019, afin d’avoir un "palier" moins grand à compenser et un objectif "plus atteignable", précise l’organisation. "C’est une trahison envers les générations futures", a estimé dans un communiqué l'organisation environnementale Icsa.
Outre la compensation, l’autre piste, largement plébiscitée par les compagnies pour abaisser leur empreinte carbone, repose sur les biocarburants. Mais ces derniers sont considérés avec méfiance car ils peuvent augmenter la déforestation. En dix ans, l’utilisation d’huile végétale (huile de palme, soja, tournesol…) dans les biocarburants a crû de 46 % (2) et à l’horizon 2030, le secteur pourrait bien être son premier utilisateur, se rendant responsable de l’émission de 11,5 milliards de tonnes de CO2 liées à la déforestation induite – soit davantage que les émissions annuelles de la Chine (3).
Les espoirs semblent désormais se porter sur des avions "verts". Dans le cadre de son plan de soutien au secteur aéronautique, le gouvernement français a mis sur la table 1,5 milliard d'euros sur trois ans afin de développer un "avion neutre en carbone" fonctionnant à l'hydrogène en 2035. Un point d'étape doit être franchi en 2028 avec un "démonstrateur" d'avion régional fonctionnant soit à l'hydrogène, soit avec une propulsion hybride électrique.
Réduire de moitié le nombre de passagers d’ici 2040
"Même avec une politique très volontariste sur les leviers techniques, le seul moyen crédible de tenir une trajectoire raisonnable d’un point de vue climatique est de diminuer le trafic. Une diminution du nombre de passagers comprise entre 2,5 % et 4 % par an est nécessaire. En d’autres termes, il faudrait réduire de moitié le nombre de passagers annuels d’ici 20 ans maximum", conclut B&L après avoir élaboré différents scénarios.
Comme alternative à l'avion, le cabinet préconise un report modal vers le ferroviaire pour les trajets nationaux et européens, et recommande le retour des dirigeables – plus rapides que le bateau - pour les voyages longues distances. De son côté, l’association Notre affaire à tous propose l’interdiction d’ouvrir de nouvelles lignes ou infrastructures (avec en ligne de mire le projet de Terminal 4 à Roissy), d’instaurer un quota kilomètre par employé, supprimer les mécanismes de promotion de l’avion ou encore instaurer une taxe kilométrique sur l’aviation afin de subventionner le report modal.
Concepcion Alvarez @conce1
(1) Voir l’étude "Pouvons nous encore prendre l’avion ?" publiée par le cabinet B&L évolution en juillet 2020
(2) Voir le rapport de Transport&Environment
(3) Voir le rapport "De l’huile sur le feu" publié en mars 2020 par l'association Canopée
(4) Voir les 12 propositions de Notre affaire à tous, publiées le 20 juillet 2020