Publié le 05 octobre 2016
ENVIRONNEMENT
L’Accord de Paris en vigueur avant la COP22. Et maintenant ?
L'Accord de Paris entrera en vigueur d’ici 30 jours. Grâce notamment à la ratification de l’Union européenne ce mercredi, le second seuil nécessaire à sa ratification a déjà été atteint. De bon augure pour la COP22, qui se tiendra à Marrakech du 7 au 18 novembre. Cela permet d'envoyer un signal politique fort : jamais un traité international n'était entré en vigueur si vite après son adoption. Mais il reste encore beaucoup de travail à accomplir pour le mettre en oeuvre.

Elyxandro Cegarra / Anadolu Agency / AFP
74 Parties représentant 58,82% des émissions mondiales de gaz à effet de serre ont désormais ratifié l'Accord de Paris. Celui-ci va entrer en vigueur dans 30 jours. Soit le 4 novembre. Juste avant l’ouverture de la COP22, qui se déroulera à Marrakech du 7 au 18 novembre. La course contre la montre a donc été remportée, grâce notamment à la mobilisation in extremis de l’UE, contrainte d’agir au plus vite.
Les deux seuils nécessaires ont été franchis. Celui des 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre couvertes par les Parties ayant ratifié a été dépassé avec les ratifications de l’Union européenne, l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, la France, Malte, le Portugal, la Slovaquie, le Canada, le Népal et la Bolivie qui ont déposé leurs instruments de ratification auprès de l'ONU mercredi. La Nouvelle-Zélande les avait quant à elle déposés la veille. Le seuil des 55 pays avait été franchi dès le 21 septembre dernier, lors de l’événement de haut niveau sur le climat organisé en marge de l’Assemblée générale de l’ONU.
C’est la première fois qu’un traité international entre en vigueur en un temps si court (le protocole de Kyoto avait été mis en œuvre huit ans après son adoption). "L'Union européenne a été l’un des leaders climatiques dans les années 1990 et 2000. Prendre des décisions à 28 lui a ensuite fait perdre son avance plutôt que de la tirer vers le haut. En ratifiant de manière accélérée l’Accord de Paris, l’UE permet à la fois au texte d’entrer en vigueur plus tôt que prévu, avant la COP22, et revient aussi dans la course. Il faut s’en réjouir et saluer l’action de la France, qui a joué un rôle clé dans cette décision. Après le temps de la ratification, vient maintenant le temps de l’action pour l’UE et les pays du monde entier", a réagi Pascal Canfin, directeur général du WWF France.
Une grande première à Marrakech
Cette entrée en vigueur éclair – elle était initialement prévue pour 2020, puis pour 2018 – va en effet permettre de se consacrer entièrement à la mise en oeuvre de l'accord. Et de poursuivre le travail entamé après la COP21, marqué notamment par une session officielle de négociations à Bonn en mai. Ainsi la COP22 va être en mesure d’accueillir la 1ère Conférence des parties à l’Accord de Paris (CMA1 dans le jargon onusien).
La CMA est le seul organisme habilité à prendre des décisions concernant l'Accord de Paris. Elle réunit tous les pays ayant ratifié l'accord, les autres n'ayant qu'un rôle d'observateurs. Ceux-ci sont-ils dès lors exclus des décisions qui seront prises ? C'est peu probable. L'option la plus réaliste est que la CMA soit suspendue à la fin de la COP22 et qu'elle court sur plusieurs COP afin d'intégrer toutes les Parties et procéder à un vote définitif sur les règles de mise en oeuvre de l'accord.
"Tout l'enjeu est de maintenir la dynamique, commente Marc Darras de l'association 4D. Il faut continuer à mobiliser tous les pays pour qu'ils ratifient l'accord d'ici 2020, date de son application. En attendant, les travaux continuent sur la mise en oeuvre du texte et notamment sur la question du contenu des NDC (National Determined Contribution) et de leur révision, sur les financements et sur les mécanismes de transparence. Le soir de Marrakech, il faudra voir comment les Parties ont avancé sur ces différentes questions."
L'entrée en vigueur de l’Accord de Paris permet donc surtout d'envoyer un signal politique fort aux parties prenantes ainsi qu’aux acteurs économiques, afin d’accélérer la transition vers une économie sobre en carbone. "La vitesse sans précédent avec laquelle l’accord de Paris entre en vigueur démontre que Paris n’était pas un accord ponctuel, mais bien un engagement de long terme pour l’action climatique", s'est ainsi réjouie Jennifer Morgan, directrice exécutive de Greenpeace International.
+2°C en 2050 ?
Mais l’enthousiasme autour de cet événement ne doit pas masquer une autre réalité : les contributions climatiques des États (NDC) – qui sont volontaires et non contraignantes – ne permettent pas pour l’instant de s’aligner sur l’objectif des 2°C (voir la synthèse des contributions par la CCNUCC). "Nous nous dirigeons aujourd’hui vers un réchauffement de 3°C ou plus, avec des conséquences absolument dramatiques pour l’ensemble de nos sociétés et de nos économies", rappelle Célia Gautier, du Réseau Action Climat.
Et pour beaucoup de ces contributions, leur mise en œuvre dépend des 100 milliards de dollars annuels que les pays du Nord doivent verser à ceux du Sud à partir de 2020, pour faire face aux impacts du changement climatique. Ces contributions devront donc absolument être revues d’ici le premier point d’étape, fixé par l’accord en 2018, et le premier bilan prévu en 2023.
Certains climatologues, parmi lesquels Robert Watson, ancien président du GIEC (Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat), s’inquiètent d’ores et déjà d’une accélération de la hausse de la température globale, dans un rapport publié fin septembre. Elle pourrait atteindre +1,5°C en 2030 et +2°C dès… 2050. "Il faut doubler, voire tripler les efforts" disent les auteurs du document et "viser l’objectif de zéro émissions nettes de CO2 d’ici 2060 ou 2075" au plus tard.
Cela passe par une décarbonation de notre énergie, mais pas seulement, expliquent-ils. Ils déplorent ainsi que plus de la moitié des NDC se concentrent sur ce point mais oublient d’évoquer la réforme de nos pratiques agricoles, de nos habitudes de consommation, de nos modes de transport, etc. Par ailleurs, les puits de carbone que sont les océans et les forêts étant insuffisants, le rapport plébiscite la mise en place de solutions de captage et stockage de CO2. Des sujets jamais abordés, ou presque, dans les NDC.