Publié le 28 mai 2015
ENVIRONNEMENT
Financement de la COP 21 : la participation des entreprises suscite la polémique
Pour financer la COP 21 (conférence onusienne sur le climat) qui aura lieu à Paris en décembre, la France a décidé de mettre à contribution les entreprises. 20 mécènes ont officiellement été présentés ce 27 mai. Une dizaine d’autres suivront. Des entreprises "amies du climat", selon le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius. Un avis loin d’être partagé par certaines ONG environnementales.

Antonin Amado / Novethic
Air France, Axa, BNP Paribas, EDF, Engie, Generali, La Poste, Renault Nissan, Ikea, LVMH, Michelin, la Caisse des dépôts1... et bientôt Saint-Gobain, Google et Publicis. Voici quelques-unes des entreprises -essentiellement françaises - qui figurent au rang des mécènes de la COP 21 (conférence de Paris sur le climat) qui se déroulera à Paris, en décembre.
De grandes entreprises mais aussi des TPE (très petites entreprises) comme l’imprimerie ACI, qui ont contribué pour un montant que chacune souhaite garder secret. Et pour cause : "La contribution est à la discrétion des entreprises. Ce n’est pas un mécénat traditionnel, au sens où il n’y a pas de catégorie or, platine ou autre. Il n’y a pas de plancher, ni surtout de plafond et chacun, quelle que que soit sa taille, peut devenir mécène", assure Pierre Henri Guignard, le secrétaire général chargé de l’organisation de la COP 21.
Les dons se font en cash ou en nature. Ou les deux. Le groupe Caisse des dépôts (dont Novethic est une filiale) va par exemple assurer une partie du financement et de la compensation carbone, tandis que Renault-Nissan fournira un service de navettes grâce à une flotte de 200 voitures électriques. Le groupe familial Derichebourg va quant à lui assurer le nettoyage du site du Bourget, gérer la collecte et le tri des déchets, ainsi que leur valorisation sur le site même, en collaboration avec Suez Environnement. EDF déclare de son côté qu’elle assurera "la fourniture d’une électricité fiable et décarbonée", grâce au nucléaire donc.
Alléger la facture pour le contribuable et assurer l’excellence environnementale
La Conférence de Paris sur le climat n’est "pas seulement une COP (conférence des parties) pour les gouvernements. C’est aussi une conférence des solutions associant entreprises, collectivités et société civile. Nous avons besoin d’eux pour réussir la COP, d’un point de vue environnemental et climatique mais aussi matériel. Ces partenariats […] nous permettent d’assurer un haut niveau d’exigence environnementale grâce aux solutions que les entreprises proposent. Cela permet aussi d’alléger au maximum la facture pour le contribuable", a ainsi justifié le ministre des Affaires étrangères et futur président de la COP 21, Laurent Fabius, lors de la présentation des mécènes à la presse le 27 mai.
Le coût de la conférence est estimé à 187 millions d’euros. Voté dans la loi de Finance 2015, ce budget prévoit l’aménagement du site, l’accueil des 40 000 participants, la préparation et le fonctionnement des négociations entre les 196 Parties, les transports, la communication, le démantèlement, etc. Objectif fixé par Laurent Fabius : financer 20% de ce montant par le biais des entreprises. Fin mai, les contributions permettent d’en assurer 10%.
Les firmes retenues ont été sélectionnées pour "leur volonté d’être exemplaires et de s’engager à long terme sur le climat" a assuré Pierre-Henri Guignard. Mais il n’y a pas "eu d’interdiction ou de rejet d’entreprises. Nous avons mené un dialogue avec celles qui souhaitaient s’associer, en analysant systématiquement leur performance environnementale, leur conformité avec la loi NRE, leur rapport RSE et leur réputation en matière de développement durable. Nous avons par exemple dialogué de manière privilégiée avec celles qui adhérent aux principes fondateurs du Global Compact", a précisé le secrétaire général chargé de la préparation de la COP21.
Des mécènes qui ne font pas l’unanimité
Pour autant, le groupe d’entreprises mécènes, qui bénéficiera d’un label COP 21 pendant un an, fait grincer des dents certaines associations qui les considèrent comme non "climato-compatibles". Dans un communiqué commun, Les Amis de la Terre, Attac France, le Corporate Europe Observatory, WECF et 350.org dénoncent "l'incohérence du gouvernement et redoutent que les négociations se retrouvent aux mains des pollueurs".
Pour ces ONG, la liste des sponsors équivaut à une "liste noire". Et d’énumérer : "Parmi la vingtaine d'entreprises qui composent la première liste de 'sponsors', EDF ou Engie, dont les émissions provoquées par leurs centrales à charbon équivalent à elles seules à près de la moitié des émissions de la France. On retrouve aussi Air France, entreprise aéronautique opposée à la réduction des émissions dans le secteur de l'aviation, Renault-Nissan, fabricant d'automobiles extrêmement polluantes, Suez Environnement, connue pour sa participation au lobby pro-gaz de schiste français, ou encore BNP-Paribas, qui en plus d'être la première banque française en termes de soutien au charbon entre 2005 et avril 2014, refuse obstinément de quitter les paradis fiscaux et mettre fin à ses pratiques d'évasion fiscale".
Les ONG craignent notamment une répétition de la COP 19 : en 2013 à Varsovie, l’omniprésence des entreprises, dont beaucoup n’étaient pas forcément en pointe de la lutte contre le changement climatique, avait provoqué l’ire des ONG sur place, qui avaient même fini par quitter le lieu des négociations.
[1] Dans l’ordre alphabétique, les 20 mécènes officiellement annoncés le 27 mai sont : ACI, Air France, Axa, BNP Paribas, Caisse centrale de réassurance CCR, Caisse des dépôts groupe, Derichebourg, EDF, Engie, ERDF, Galeries Lafayette, Generali, Ikea, JC Decaux, La Poste, LVMH, Michelin, Renault Nissan, Suez Environnement, Syndicat des eaux d’Île-de-France.