Publié le 06 mars 2015
ENVIRONNEMENT
Émissions de CO2 : les entreprises chinoises prennent conscience de leur impact
Les entreprises chinoises se sentent de plus en plus concernées par la lutte contre le changement climatique et le rôle qu’elles y jouent. C’est ce que l’on peut déduire de la dernière étude du CDP, qui vient de publier les réponses à son questionnaire sur les émissions de CO2 pour la Chine. Une prise de conscience en rupture avec les années de croissance folle, qui ont vu le pays devenir le premier émetteur de dioxyde de carbone.

Greenpeace / Natalie Behrin-Chisholm
C’est une petite brèche dans la culture chinoise du secret. Une réussite que l'on doit au CDP (ex-Carbon Disclosure Project). En quelques années d’existence seulement dans l’Empire du milieu, cette ONG a réussi à compiler les émissions de CO2 de 45 entreprises chinoises sur 100, sélectionnées dans la bourse de Shanghai.
C’est encore trop peu, mais c’est déjà une gageure dans un pays où la discrétion est considérée comme la mère de la prospérité. En 2008, seules 5 entreprises s’étaient risquées à répondre au questionnaire qui permet à l’ONG de publier le "CDP China 100 Climate Change Report".
Pour cette dernière édition portant sur l’année 2014, les participants provenaient autant de secteurs de pointe, comme la téléphonie avec le fabricant de smartphone Lenovo ou l’opérateur China Mobile, que de secteurs traditionnellement plus polluants, comme l’automobile (Greatwall, BYD) ou les hydrocarbures.
ʺConvaincre Sinopec (China Petroleum and Chemical Corporation) de nous répondre n’a pas été facile du tout", reconnaît Li Rusong, le directeur de CDP en Chine. "Mais nous essayons d’expliquer que ce n’est pas seulement un outil de communication. Cela a des bénéfices concrets pour eux, pas seulement pour l’environnement", précise-t-il.
L’apparition de marchés carbone change la donne
Au-delà de ce taux de réponse en hausse, on constate un véritable changement de mentalités en matière d'environnement en Chine, notamment du côté des autorités. En mars de l’année dernière, le premier ministre Li Keqiang annonçait que la Chine ʺdéclarait la guerre à la pollutionʺ. Anticiper d’éventuels changements règlementaires est d’ailleurs l’une des principales motivations à engager ces évaluations complexes, pour 93% des participants à l’étude de CDP.
En ligne de mire, la généralisation des permis d’émission de carbone, sur le modèle du système issu du protocole de Kyoto. Au moment de sa signature en 2002, la Chine, alors considérée comme un pays en développement, n’était pas soumise à des objectifs chiffrés d’émissions de CO2.
Mais depuis deux ans, sept villes et provinces ont mis en place des programmes pilotes de marchés carbone dans plusieurs métropoles. Sur les 45 participants à l’étude de CDP, 13 sont engagés dans un de ces programmes.
ʺLe pouvoir politique fait bouger les lignes", commente Huw Slater, responsable recherche et projets de l’ONG China carbon forum, qui cherche à fédérer les initiatives en matière de réduction des émissions de CO2. "Il y a effectivement ces systèmes de crédits carbone, mais aussi le renforcement des sanctions contre les pollueurs, et toute une série de mesures sectoriellesʺ, ajoute-t-il.
Manque de transparence
Des entreprises ont aussi pris contact de leur propre initiative avec CDP, motivées par l’attention grandissante de la classe moyenne chinoise au développement durable. Mais c’est souvent à la demande de leurs clients qu’elles le font. C’est ce qu’indiquent 45% des participants à l’étude de CDP. ʺWalmart, par exemple, demande à ses fournisseurs de participer à notre étudeʺ, note Li Rusong.
La chaîne de supermarchés américaine a d’ailleurs tiré des bénéfices concrets de sa participation à CDP : ʺIls supposaient que le transport de marchandises en camion était leur premier poste de dépense d’énergie. En réalisant une évaluation pour répondre à notre questionnaire, ils se sont aperçus que les réfrigérateurs consommaient davantageʺ, raconte le directeur de CDP Chine.
Reste que les entreprises chinoises sont encore loin de la transparence. Mis à part quelques acteurs très impliqués, comme Lenovo, la plupart des participants à l’étude ont refusé que leurs données soient mises à disposition du public.
De même pour les marchés de crédits carbone : ʺSinopec et d’autres gros émetteurs de CO2 sont obligés de dévoiler leurs émissions aux gouvernements locaux, mais pas au grand publicʺ, regrette Huw Slater. "Je pense que Pékin doit être plus engagé en ce sens : une transition économique vers un développement plus durable est en cours, mais la transparence doit en faire partie. Cela ne peut que rendre cette transition plus facileʺ.