Publié le 29 août 2023
ENVIRONNEMENT
Impressionants éboulements dans le massif du Mont-Blanc : le changement climatique fait s'écrouler nos géants de pierre
Dimanche 27 août en fin de journée, un éboulement important de pierre en Savoie a provoqué l’interruption de la circulation ferroviaire entre la France et l’Italie, ainsi que celle sur l’A43. Quelques jours auparavant, d’autres chutes de pierres se sont également produites. En cause : la hausse des températures en haute altitude. Or, ce nouveau risque fragilise un secteur économique déjà mis à mal par le réchauffement climatique

Twitter @AnonymeCitoyen via Loïc Borella
Un bruit sourd et des images saisissantes. Un impressionnant éboulement s’est produit dimanche 27 août vers 17h15, dans la vallée de la Maurienne, en Savoie. Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, une avalanche de rochers et de poussières grises dévale à toute vitesse le flanc de la montagne pour engloutir sous son passage la route en contre-bas.
Gros éboulement en fin d'après-midi à Saint-André en Savoie. L'autoroute A43 est fermée et le trafic des trains entre la France et l'Italie est interrompu jusqu'à nouvel ordre. (Loïc Borella) pic.twitter.com/8oy4OSOvJI
— Anonyme Citoyen (@AnonymeCitoyen) August 27, 2023
"Près de 700m3 de rochers sont ainsi venus percuter l’écran de protection mis en place de manière préventive par les services routiers du conseil départemental sur ce secteur particulièrement surveillé", précise le communiqué de presse de la préfecture de Savoie. Cet incident a entraîné la fermeture à la circulation de la route départementale D1006 et de l’autoroute A43, pour une durée indéterminée. De même, la circulation des trains entre Chambéry et Turin a été interrompue "au moins jusqu’à mercredi inclus", a annoncé la SNCF.
Des éboulements de plus en plus fréquents
Selon les spécialistes, la sécheresse suivie de fortes précipitations serait à l’origine de cette déstabilisation rocheuse. Mais cet effondrement vient s’ajouter à une longue liste d’événements similaires qui ont marqué cette fin d’été. Le 23 août, ce sont près de 20 000 m3 qui se sont détachés de la face nord de l’Aiguille du Midi, dans les Alpes du Nord. Deux jours plus tard, le 25 août, un jeune alpiniste a perdu la vie après une chute de pierre dans le couloir du Goûter, voie classique d’accès au Mont-Blanc.
En haute altitude, ces dérochements sont généralement liés à la fonte du permafrost (ou pergélisol). Sous l’effet des hausses de températures et des épisodes de canicules à répétition, cette glace permanente présente dans les fissures des roches et qui les maintient entre elles, ne joue plus son rôle de ciment. Pour le géomorphologue Ludovic Ravanel, interrogé par nos confrères de France3, "la dégradation du permafrost est une des conséquences directes du réchauffement climatique, au même titre que la fonte des glaciers. C'est un risque naturel dont on parle moins parce qu'il est encore à l'étude et moins visible. Mais il est tout aussi symptomatique du climat actuel".
Une situation à risque pour les populations locales
Ces parois fragilisées représentent un risque non-négligeable pour les alpinistes, habitués à les emprunter, mais également pour les populations environnantes. "Ces dernières années, nous avons pu observer une très forte accélération de cette érosion à haute altitude, avec des phénomènes naturels importants", a expliqué Ludovic Ravanel. Rien qu'en 2022, près de 250 éboulements avaient été répertoriés dans le seul massif du Mont-Blanc, principalement entre juin et septembre, selon le bilan annuel du laboratoire Edytem basé en Savoie. Ainsi depuis trois décennies, il ne se passe plus un été sans qu'un pic ou un pan de montagne ne s'écroule, et plus impressionnant reste l'effondrement du pilier Bonatti, sur la face sud-ouest des Drus, dans le massif du Mont-Blanc.
Si jusqu’à présent les victimes sont plutôt rares en France, cela ne sera pas toujours le cas. Sur Linkedin, Valérie Paumier de Résilience Montagne indique notamment que la ville de Chamonix accueille en cette fin de semaine l’Ultra trail du Mont-Blanc (UTMB), et que la question de la sécurité des 10 000 coureurs se pose. "Il va falloir très vite que les villes et villages à risque, comme Chamonix par exemple, mettent en place des protocoles d’alerte et informent les habitants, les nouveaux habitants, les touristes, très sérieusement des potentiels risques", indique-t-elle.
Et ce risque d'éboulement, accentué par le changement climatique, est une épée Damoclès pour les villes de haute-montagne et leur économie déjà bien fragilisée. D'ailleurs, 93% des stations de ski dans les Alpes françaises pourraient disparaître si la trajectoire actuelle de réchauffement de +3°C était maintenue, selon une nouvelle étude publiée dans Nature Climate Change.