Publié le 08 décembre 2015

ENVIRONNEMENT
Climat : la taxe sur les transactions financières rate son rendez-vous avec la COP21
Un accord "politique" a été signé ce mardi 8 décembre par les ministres de l’Economie de dix pays européens sur le projet de taxe sur les transactions financières européenne. L’Estonie a jeté l’éponge. Et le texte présenté à Bruxelles précise seulement que la taxe aura une assiette "large". L’accord final a quant à lui été repoussé à juin 2016. Ce qui retarde encore la mise en œuvre d’une promesse du candidat Hollande, qui risque bien de ne pas être tenue d’ici la fin de son mandat en 2017. Une décision polémique en pleine COP21, alors que cette taxe doit en partie contribuer au financement climat.

Wiktor Dabkowski / AFP
Finalement, ce ne sont plus onze mais dix pays (1) de la zone euro qui ont conclu ce mardi 8 décembre un accord "politique" qui ne porte que sur certains aspects du projet de taxe sur les transactions financières (TTF) européenne. L’Estonie a jeté l’éponge car la taxe, en l’état actuel, la priverait de recettes tout en incitant les intermédiaires financiers à se délocaliser, a-t-elle déclaré.
Echanges intraday taxés et principe d’émissions acquis
Les ministres de l’Economie, réunis à Bruxelles, se sont donné jusqu’à juin prochain pour parvenir à un compromis sur les questions en suspens, à commencer par le taux de prélèvement de cette taxe qui devrait être fixé par une nouvelle directive de la Commission européenne.
Seul consensus trouvé, la taxe aura une assiette large, s’appliquant sur les actions et les produits dérivés y compris les échanges intraday, c'est à dire réalisés au cours d'une même journée. Il a également été décidé que les titres émis dans l'un des pays signataires seraient taxés même s’ils sont échangés à l’autre bout du monde. Michel Sapin, le ministre des Finances ou encore Pierre Moscovici, commissaire européen (français) à l’Economie, parlent "d’une étape essentielle" ou encore d’"une avancée majeure". Mais le chemin est encore long.
Les détails de la mise en œuvre de cette TTF européenne auraient dû être entérinés avant la fin de l'année pour une application au 1er janvier 2017. C’est donc un désaveu, notamment pour la France, qui préside la COP21 qui se tient en ce moment au Bourget, alors qu’une partie de cette taxe doit contribuer aux financements climats.
Forte pression du monde financier
Pour l’ONG Attac qui a organisé une conférence de presse ce midi, cela montre "un manque de volonté politique". "Le monde financier a fait le siège de l’Elysée ces derniers jours", regrette Maximes Combes, économiste et militant au sein de l’ONG.
Le 27 novembre, Gérard Mestrallet, le PDG d’Engie et président de l’association Paris Europlace avait proposé au président de la République une "contre-proposition plus efficace" à la taxe sur les transactions financières. La mise en place d’un "fonds d’investissement transition énergétique" qui s’engagerait sur "10 milliards d’euros à l’horizon 2020" en faveur de la transition énergétique.
"Accord de façade"
De son côté, Alexandre Naulot, d’Oxfam France, dénonce "un accord de façade", qui demeure "très flou". "On nous rassure en nous disant que la taxe s’appliquera sur la base la plus large possible, mais on ne nous dit pas quels produits dérivés seront concernés. Or les activités les plus spéculatives et leur taxation pourrait rapporter jusqu’à 21 milliards d’euros" par an.
Aucune estimation des recettes de la TTF européenne n’a été évoquée ce mardi et l'affectation de son produit n’est toujours pas tranchée. Un mauvais signal envoyé aux pays du Sud à quelques jours d’un accord crucial pour rester sous la barre des 2°C (au moins) de réchauffement climatique.
(1) Allemagne, France, Italie, Autriche, Belgique, Grèce, Portugal, Slovaquie, Slovénie et Espagne.