Publié le 11 février 2016
ENVIRONNEMENT
Clean Power Plan : un revers lourd de conséquences pour Obama
La Cour suprême a suspendu le 9 février le grand plan climat voulu par le président américain. Une victoire importante pour les États charbonniers qui mènent cette bataille juridique. Barack Obama n'a plus que neuf mois devant lui pour inscrire dans le marbre toutes les réformes climatiques qu'il a défendues, notamment lors de la COP21 à Paris. Sa marge de manœuvre avant la prochaine élection présidentielle est désormais réduite.

Saul Loeb / AFP
"Un revers majeur", "un coup sérieux", "une décision qui en a surpris plus d'un"... La presse américaine est unanime, et implacable, après la décision de la Cour suprême de bloquer l’application du Clean Power Plan. Un plan qui constituait pourtant la clé de voûte de la politique climatique de Barack Obama.
Le 3 août dernier, le président américain lançait l'offensive et promettait de réduire de 32% d’ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre liées à la production d’électricité. Un engagement présenté comme très ambitieux à quelques mois de la COP21 à Paris.
Aujourd’hui, la question est bien de savoir si ce plan sera appliqué. Dans les faits, la décision de la Cour suprême n’a pour conséquence qu’une suspension du texte. Mais elle tombe au plus mauvais moment pour le président américain, qui va désormais devoir batailler ferme pour sauver son héritage en matière de climat.
Obama contre une majorité républicaine pro-charbon
La bataille qui se joue est tout autant juridique que politique : Barack Obama doit faire face à une majorité républicaine pro-charbon, qui refuse en bloc les réglementations autour des émissions de gaz à effet de serre. Le Clean Power Plan représente à cet égard une étape essentielle. Le président américain sait que cette réforme n'a aucune chance de passer par la voie la plus logique, celle d'un vote au Congrès. Il a donc délégué à l'agence de protection de l'environnement (EPA) la responsabilité de sa mise en œuvre.
C'est ce tour de passe-passe qui est contesté devant la justice par 29 États. Cette procédure-là, sur le fond, est toujours en cours. C'est la raison avancée par la Cour suprême pour geler le plan climat en attendant cette décision.
Des États et des entreprises à la manœuvre
Les fers de lance anti-Clean Power Plan sont trois Etats charbonniers : la Virginie occidentale, le Wyoming et le Kentucky. Le sénateur du Kentucky, Mitch McConnell, est également le chef de la majorité républicaine au Sénat. Laissant de côté ses convictions climato-sceptiques, c'est pour une fois avec des arguments économiques qu'il dénonce la "guerre contre le charbon" de Barack Obama, qui menacerait des emplois locaux et l’économie américaine dans son ensemble.
Jamie Henn, de l'ONG 350.org, qui défend le désinvestissement des énergies fossiles, pointe lui du doigt les entreprises engagées contre le plan, notamment des géants du charbon et des distributeurs d’énergie. "Ne vous y trompez pas : cette procédure est menée au nom du secteur des énergies fossiles et d'entreprises comme Exxon qui feront tout ce qui est possible pour repousser ces réformes", décrypte-t-il.
Seule la victoire de Bernie Sanders, le candidat démocrate le plus à gauche et le plus pro-environnement, à la primaire du New Hampshire a réussi à redonner un peu de baume au cœur aux militants écologistes américains mardi soir.
Peu de temps pour agir
A ce revers juridique s'ajoute un autre problème de taille pour Barack Obama : le calendrier. C'est désormais une cour fédérale qui doit étudier ce dossier sur le fond, et elle ne le fera pas avant le 2 juin prochain. Cinq mois seulement avant l’élection présidentielle.
Cette décision sera suivie d'un nouveau recours devant la Cour suprême, que l’on sait déjà très clivée sur la question, avec cinq juges conservateurs contre quatre progressistes, alors que le Clean Power Plan prévoit que chaque Etat doit dévoiler ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à la production d’électricité avant septembre prochain...
La nouvelle partie qui se joue vient peut-être juste de commencer. Un diplomate français, fin connaisseur de la politique américaine, nous confiait il y a quelques jours : "si un président républicain est élu, la nouvelle majorité pourrait faire sauter tous les acquis de la politique climatique de Barack Obama".