Publié le 13 février 2023
ENVIRONNEMENT
Carrefour, Amazon, H&M : qui sont les mauvais élèves de la neutralité carbone ?
Un nouveau rapport, publié ce lundi 13 février par Carbon Market Watch et le New climate institute, passe au crible les engagements climatiques des 24 plus grandes et riches entreprises au monde. Loin des belles promesses, très peu d'entre elles ont des objectifs de réduction de leurs émissions cohérents avec leur trajectoire et beaucoup misent largement sur la compensation carbone pour y parvenir. Les auteurs appellent à une meilleure régulation des allégations de neutralité carbone.

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La nouvelle édition du Corporate climate responsability monitor (CCRM), publiée par l'ONG belge Carbon Market Watch et le think tank allemand New climate institute montre que malgré leurs engagements de neutralité carbone, aucune des 24 plus grandes et plus riches entreprises au monde – elles représentent 4 % des émissions mondiales et 3 200 milliards de dollars - n’est réellement alignée sur les objectifs de l’Accord de Paris. Celles-ci sont classées selon des critères d’intégrité et de transparence concernant leurs engagements climatiques à court et long terme, la réduction prévue des émissions de gaz à effet de serre, le périmètre couvert ou encore le recours à la compensation carbone.
Aucune entreprise n’obtient la note la plus haute "d'intégrité élevée". Et, comme l'année dernière, une seule, le géant maritime danois Maersk, est classée dans la catégorie "intégrité raisonnable". Puis arrivent Apple, ArcelorMittal, Google, H&M Group, Holcim, Microsoft, Stellantis et Thyssenkrupp avec un score d'" intégrité modérée", tandis que les 15 autres entreprises se situent en bas du classement. American Airlines, Carrefour, JBS et Samsung Electronics sont les moins bien classés.
Des engagements de neutralité carbone qui ne conduisent qu'à une baisse de 36% des émissions
Selon ces travaux, les engagements de neutralité carbone des 24 entreprises analysées ne conduiraient qu’à une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 36 % d’ici 2050, alors que la neutralité impose la réduction de 90 à 95% des émissions. En cause, des secteurs d’émissions qui ne sont pas tous couverts ou encore des plans de compensations carbone qui apparaissent comme insatisfaisants. À 2030, les engagements des entreprises ne conduiraient qu’à une réduction médiane de 15% alors qu’il faudrait là aussi aller beaucoup plus loin.
"De manière trompeuse, la moitié des entreprises évaluées – dont Apple, DHL, Google et Microsoft – font déjà des déclarations de neutralité carbone, mais ces déclarations ne couvrent que 3% des émissions de ces entreprises, indiquent les auteurs du rapport. Plus inquiétant encore, les trois quarts des entreprises prévoient de compenser ou de neutraliser une partie importante de leurs émissions à l'aide de crédits carbone provenant de projets forestiers et d'autres projets d'utilisation des terres".
Or, les récents scandales autour du marché de la compensation volontaire montrent bien à quel point celle-ci ne peut constituer le principal pilier d’une politique de neutralité carbone. "Les fausses allégations de "zéro net" et de "neutralité carbone" sont incroyablement préjudiciables", explique Gilles Dufrasne, responsable des marchés mondiaux du carbone chez Carbon Market Watch. "Ils donnent l'illusion que les entreprises prennent des mesures sérieuses pour lutter contre la crise climatique alors qu'en réalité, elles balayent le problème sous le tapis et laissent aux autres et aux générations futures le soin de nettoyer leur gâchis."
Interdire les allégations de neutralité carbone
Quelques entreprises tirent toutefois leur épingle du jeu. Ainsi, Maersk mais aussi Stellantis, Holcim ou encore H&M ont des objectifs de décarbonation pertinents, prévoyant des réductions d’émissions d’au moins 90%. Microsoft ou encore Google s’engagent quant à eux à ne plus racheter d’énergies renouvelables pour compenser leur demande mais à fonctionner avec de l'énergie renouvelable 24 heures sur 24, tandis que DHL investit dans l'électrification de sa flotte et la production de carburant à faible émission de carbone. Walmart enfin est la seule entreprise à ne pas faire appel à la compensation carbone pour atteindre ses objectifs, bien que ceux-ci ne couvrent qu’une petite part de ses émissions.
Contacté par Novethic, Carrefour, qui arrive en queue de peloton, conteste les données du rapport et précise que ses engagements de neutralité carbone ne couvrent que ses émissions directes (Scopes 1 et 2) et non pas les émissions indirectes (Scope 3), qui sont en réalité les plus importantes. "Sur le Scope 3, grâce à une démarche proactive, nous avons également pris un engagement de réduction de 29% de nos émissions de gaz à effet de serre", précise le groupe. Mais ce n'est pas suffisant pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris.
Parallèlement à la publication du rapport, Carbon Market Watch et d'autres ONG ont envoyé lundi 13 février une lettre ouverte aux institutions européennes les exhortant à mettre en place une interdiction des allégations de neutralité carbone dans le cadre de la révision de la législation sur la protection des consommateurs. En France, depuis le 1er janvier, il n'est plus possible pour les annonceurs de mettre en avant la neutralité carbone d'un produit ou d'un service sans prouver que la démarche est bien sincère.
Concepcion Alvarez @conce1