Publié le 11 décembre 2020

ENVIRONNEMENT

L'Union européenne relève son ambition avec une baisse des émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030

Au terme de longues négociations qui ont duré toute la nuit, l'Union européenne a adopté un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre relevé pour 2030, passant de 40 à 55 %. C'était un impératif à la veille du cinquième anniversaire de l'Accord de Paris et d'un sommet au cours duquel les États les plus ambitieux annonceront leurs nouveaux objectifs climatiques. Après la Chine, le Japon ou encore le Canada, les Européens se devaient eux aussi de montrer l'exemple. 

Conference de presse charles michel ursula von der leyen angela merkel 111220 UE
Conférence de presse de Charles Michel, président du Conseil européen, Ursula von der Leyen, présidentre de la Commission européenne et Angela Merkel, chancelière allemande et à la tête de la présidente tournante de l'UE.
@Conseil européen

Les discussions auront duré toute la nuit, bloquées par la Pologne qui demandait plus de garanties. Mais l’Union européenne y est parvenue. À la veille du cinquième anniversaire de l'Accord de Paris, les États membres se sont finalement accordés sur un objectif climatique plus ambitieux. Ils visent désormais une réduction des émissions de gaz à effet de serre d'"au moins 55%" d'ici 2030 par rapport au niveau de 1990, contre un objectif de 40 % auparavant, afin d'arriver à la neutralité carbone visée pour 2050. "Nous allons pouvoir exprimer devant les Nations Unies demain [à l'occasion d'un sommet international sur l'ambition climatique, ndr] l'unité, la cohérence et la confiance de l'UE dans l'ambition climatique" a déclaré Charles Michel, le président du Conseil européen.

Sur le fond, l’engagement de -55 % pris par l’Union européenne est exprimé en valeur nette. Cela signifie que les puits de carbone naturels, comme les forêts ou les sols, sont inclus dans le calcul des émissions. En réalité, la baisse en valeur absolue est donc plutôt comprise entre 50 et 52 %. Or, sur la base des mesures et des objectifs climatiques existants, l'UE est déjà sur les rails d’une réduction de ses émissions de 46 % en 2030. Pour les ONG, c’est loin d’être suffisant. Elles réclamaient d'aller jusqu'à -65 %.

La déception des ONG

"Malgré de belles paroles, les chefs d’Etat n’ont pas eu le courage de prendre des engagements qui bousculeraient les industries polluantes et entraîneraient une révision complète de notre modèle de production. Ils préfèrent s’accorder sur des objectifs en trompe-l’œil, au détriment des plus vulnérables, qui payent aujourd’hui très cher les démissions qui s’accumulent sur le front climatique”, a réagi Clément Sénéchal, chargé de campagne climat à Greenpeace France.  

Les ONG pointent également du doigt la position de la France et de plusieurs pays d’Europe centrale et de l’Est pour inclure du langage favorable au gaz et potentiellement au nucléaire comme "énergies de transition", ouvrant la voie à leur financement. Pour l’instant, l'UE a convenu lors de trilogues que les énergies fossiles, y compris le gaz, ne pourraient être financés par le Fonds pour une transition juste (17,5 milliards d'euros). En outre, le Fonds européen de développement régional (FEDER) limitera ses investissements dans les fossiles à 1 % du financement total avec des conditions strictes.  

"Etre dans la locomotive"

Le vote de cette nuit reste toutefois très important d’un point de vue diplomatique. Face aux Etats-Unis et à la Chine, "l''UE ne pouvait pas se rater sur le climat après avoir été chef de file pendant douze ans", observe ainsi une source européenne. "L’Union européenne jouait là son leadership, à la veille d’une année 2021 chargée sur les négociations internationales climatiques. Elle se devait d’être dans la locomotive et ne pas se raccrocher simplement aux wagons" explique Lucie Mattera, cheffe des politiques européennes du E3G. 

"Il faut avoir en tête qu’il y a un an, un consensus européen sur l’objectif de -55 % était inimaginable. Cet élan est vraiment nouveau" analyse Neil Makaroff, du Réseau Action Climat France. "Il y a des désaccords sur la rapidité de la transition mais pas de divisions. Sur la question du charbon, beaucoup de pays vont fermer leurs centrales et la Pologne a adopté un accord pour fermer toutes les mines en 2049, c’est une petite révolution à leur échelle. La neutralité climatique en 2050 c’est comme un marathon, certains veulent aller vite dès le départ, d’autres ménagent leurs efforts, mais l’objectif reste le même" complète Thomas Pellerin-Carlin, de l’Institut Jacques Delors.  

Concepcion Alvarez @conce1


© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

Pour aller plus loin

Accord de Paris : "Je me réjouis qu’il y ait une course vers le haut entre les grands émetteurs de CO2", Pascal Canfin

Le Conseil européen qui s’ouvre ce jeudi 10 décembre est particulièrement décisif. Les États membres doivent s’accorder sur un nouvel objectif climatique à l’horizon 2030, en amont du sommet international organisé le 12 décembre pour les cinq ans de l’Accord de Paris. Pascal Canfin,...

La Commission européenne vise une baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030

Après l'appel de centaines d'entreprises et d'investisseurs à relever l'ambition climatique européenne, la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a défendu ce mercredi 16 septembre un objectif de réduction des émissions d'ici 2030 devant les eurodéputés. C'est bien...

Plan de relance européen : la Commission veut construire une "Union de la durabilité pour les générations futures"

Très attendu, le plan de relance européen a été présenté mercredi 27 mai par la Commission européenne. Il propose un nouvel instrument de relance de 750 milliards d'euros, dont 500 milliards de subventions, qui seraient mutualisées entre tous les États membres. L'objectif est d'aider les...

Au sein de l'Union européenne, les émissions de CO2 ont diminué chez les plus pauvres et augmenté chez les plus riches

Les inégalités en matière d’émissions de CO2 sont frappantes. Selon un nouveau rapport d'Oxfam, publié avec l'Institut de l'Environnement de Stockholm, les émissions annuelles des citoyens européens les plus pauvres ont baissé de 24 %, tandis que celles des 1 % les plus riches ont augmenté...

ENVIRONNEMENT

Climat

Les alertes sur le changement climatique lancées par les scientifiques conduisent à l’organisation de sommets internationaux, à la mise en place de marché carbone en Europe mais aussi en Chine. En attendant les humains comme les entreprises doivent déjà s’adapter aux changements de climat dans de nombreuses parties du monde.

Antarctique Unsplash Cassie matias

La Terre est sur le point de franchir cinq points de bascule : une menace "sans précédent"

La Terre toujours plus dans le rouge. Sur 26 points de bascule – ou "tipping points" - identifiés, cinq sont à la limite d’être franchis, et trois autres pourraient l’être très prochainement si les températures continuent d’augmenter, avertit une nouvelle étude publiée ce mercredi 5 décembre. Une...

Fin des énergies fossiles Lobbies KARIM SAHIBAFP

2 456 lobbyistes fossiles à la COP28, une marée noire record

C'est le chiffre choc de la COP28. 2 456 lobbyistes fossiles - "au moins" - ont obtenu une accréditation pour participer à ce nouveau sommet pour le climat, qui se tient actuellement à Dubaï. Ce nombre dévoilé par une coalition d’ONGs, Kick Big Polluters Out, montre à quel point l’ombre des lobbies...

CO2 Photo de Markus Spiske sur Unsplash

Niveau record d’émissions de CO2 dans le monde : les trois graphiques à retenir

Alors que la première semaine de la COP28 s’achève à Dubaï, la nouvelle édition du Global Carbon Project, publiée ce mardi 5 décembre, rappelle que les émissions de CO2 ne cessent d’augmenter, jusqu’à atteindre un niveau record en 2023. En cause, la Chine et l’Inde, dont la consommation de charbon...

Baril petrole bourse risque prim91 1

COP28 et sport : les pays du Golfe, les rois du soft power

Entre la COP28 organisée aux Emirats arabes Unis ou la main-mise du Qatar et de l’Arabie Saoudite sur les grands évènements sportifs, le soft power des pays du Golfe s’étend, au détriment de la lutte contre le dérèglement climatique.