Publié le 25 juillet 2018
ENVIRONNEMENT
Les ONG s’inquiètent d’un nouveau programme de "gestion durable" des forêts en RDC
La France pourrait financer, avec la Norvège, un nouveau projet de gestion forestière durable en République démocratique du Congo à hauteur de 18 millions d’euros. Une gabegie pour les ONG qui appellent à stopper les robinets d’aide internationale car ils ne bénéficient pas aux populations locales. Le seul moyen de préserver le second poumon vert de la planète, assure au contraire l’Agence française du développement, maître d’œuvre du projet.

@EricFreyssinge
Il faut sauver la forêt du bassin du Congo, second poumon vert de la planète, tant qu’il en est encore temps. Là-dessus tous s’accordent. Comment y arriver ? C’est une autre question, qui fait largement débat.
La France, à travers l’Agence française du développement (AFD), et la Norvège travaillent sur un nouveau projet, baptisé PGDF pour Programme de gestion durable des forêts, en République démocratique du Congo (RDC). Évalué à 18 millions de dollars, celui-ci s’inscrit dans une initiative plus large, le CAFI (Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale), lancé en 2016 par le ministère norvégien du Climat et de l'environnement, en collaboration avec l'Allemagne, la Corée du Sud, la France, l'Union européenne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.
"La seule façon de préserver la forêt est de lui donner une valeur économique et donc de développer l’exploitation forestière de façon encadrée, explique Christophe du Castel, chargé de projet Développement durable à l’AFD. Nous avons une expérience assez ancienne du sujet dans le bassin du Congo, et nous avons constaté que là où des concessions avec des plans d’aménagement avaient été accordées, les taux de déforestation étaient plutôt bas."
"Système véreux"
Les ONG, elles, dénoncent un énième projet en RDC qui va permettre au pays de lever son moratoire et d’accorder de nouvelles concessions forestières. "Les forêts sont dégradées et les communautés locales ne bénéficient pas des retombées attendues. Le soutien français n’a pas permis une gestion durable des forêts, bien au contraire, ils ont soutenu des entreprises travaillant dans l’illégalité", dénonce Laurence Duprat, chargée de campagne pour Global Witness.
"En 2015, la Banque mondiale qui avait mis en place un projet pour la conservation de la nature et des forêts, avait évalué sa propre performance comme étant 'insatisfaisante' tout en mettant en cause des indicateurs de gouvernance exceptionnellement faibles", argumente encore Laurence Duprat. "Or la situation sur ce plan ne s’est pas améliorée."
Jean-Luc François, directeur du département Transition écologique & gestion des ressources naturelles à l’AFD, rétorque : "Il est évident que la gouvernance en RDC est imparfaite, mais si nous attendons qu’elle soit aux standards français, on ne va plus avoir de forêts. Si le PGDF ne se fait, ce sera pire car il continuera à y avoir de la déforestation sauvage et illégale. La carotte du financement nous permet d’avoir un dialogue exigeant et d’avancer petit à petit."
Violation du moratoire
Le projet est pour l’instant en attente d’obtenir le feu vert des bailleurs de fond. Mais les relations sont tendues avec le gouvernement congolais. Ce-dernier a illégalement accordé de nouvelles licences d'exploitation forestière, violant le moratoire mis en place en 2002. L'attribution de fonds par CAFI a donc été suspendue le temps que ces concessions illégales soient annulées.
L’été dernier, dans une lettre ouverte, 30 scientifiques avaient appelé le ministre de l’Environnement norvégien à rejeter le PGDF afin de préserver les tourbières du bassin du Congo qui sont les plus grandes tourbières tropicales du monde, pour un stock d'environ 30 milliards de tonnes de carbone. "Couper les arbres ou modifier le drainage peut facilement conduire ces tourbières à relâcher dans l’atmosphère le carbone stocké, comme nous l’avons constaté en Indonésie", alertaient-t-ils.
Récemment, la RDC a par ailleurs officialisé son projet d'exploiter du pétrole dans les parcs naturels des Virunga (nord-est), le plus ancien d'Afrique, et de la Salonga (centre) alors qu’ils abritent 40 % de la population mondiale de Bonobos et des espèces protégées comme le gorille des montagnes.
Concepcion Alvarez, @conce1