Publié le 26 novembre 2020
ENVIRONNEMENT
Écocide : cinq questions pour comprendre les deux nouveaux délits envisagés par le gouvernement
Garder le cap, c’est ce que tente de faire le gouvernement face aux 150 citoyens de la Convention pour le climat (CCC). Lundi 23 novembre, Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, et Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, ont rencontré les citoyens de la CCC pour leur présenter leur proposition quant à la reconnaissance de l'écocide. L'Exécutif renonce à la création d'un crime et propose à la place deux nouveaux délits. Novethic vous explique en détail ce qu'ils doivent changer.

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1) Pourquoi le gouvernement n’a pas retenu la notion de crime d’écocide ?
"Dès le départ, le Président avait indiqué que la rédaction proposée pour l’écocide (reposant sur le dépassement des limites planétaires, ndr) ne pourrait être retenue telle quelle. Elle était en effet trop imprécise, ce qui la rendait potentiellement inconstitutionnelle", explique Barbara Pompili. Le comité légistique, qui a appuyé les citoyens dans la transcription juridique de leurs propositions, avait lui aussi pointé ce risque. "Aujourd’hui, nous ne savons pas mesurer ces limites planétaires à l’échelle d’un territoire national. Or, pour une condamnation au pénal, il faut des faits quantifiables. Mais nous continuons à travailler avec des chercheurs sur le sujet", précise le ministère de la Transition écologique.
2) Le "délit général de pollution" est-il nouveau ?
En fait, le gouvernement propose de renforcer un article existant du code de l’environnement (article L216-6) afin de créer "un délit général de pollution". Le terme d’écocide n’apparaît pas explicitement, mais "dans les cas les plus graves, d’une infraction intentionnelle ayant causé des dommages irréversibles à l’environnement, on peut parler de délit d’écocide", précise Éric Dupond-Moretti.
Le délit existant en matière de pollution des eaux sera étendu à la pollution des sols et de l’air (en cas de dépassement des valeurs limites d’émission fixées par arrêté). Il concerne tout rejet d’une substance entraînant, même de manière temporaire, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune. Mais aussi le fait de jeter ou abandonner des déchets en quantité importante dans la nature. Une obligation de réparation peut en outre être exigée dans le cadre d’une convention judiciaire écologique.
3) Quelles sont les sanctions prévues ?
Les sanctions sont augmentées pour tous les délits environnementaux et seront adaptées au degré d’intentionnalité et au caractère durable (plus de dix ans) et irréversible des dégâts causés. Dans le cas d’une imprudence, elles passent de deux à trois ans de prison et de 75 000 à 375 000 euros d’amende, celle-ci pouvant être portée jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction. Elles peuvent aller, dans le cas d'un acte intentionnel, jusqu’à sept ans de prison et un million d’euros d’amende. Et si les effets sont jugés durables ou irréversibles, les peines sont portées à dix ans de prison et 4,5 millions d’euros d'amende maximum.
4) En quoi le délit de mise en danger de l'environnement est-il pertinent ?
Il permet de sanctionner une action de mise en danger de l’environnement, même en l’absence de dégâts. C’est finalement ce qu'il y a de plus novateur dans les propositions de l'Exécutif. La peine encourue sera d'un an de prison et 100 000 euros d'amende. "Prenons un camion de 38 tonnes transportant des matières dangereuses qui passe sur un pont réservé aux véhicules de 10 tonnes. Aujourd’hui, il risque tout au plus une contravention. Demain, il pourra être sanctionné pour avoir mis en danger la rivière sous-jacente, même si le pont ne s’effondre pas", cite en exemple le ministère de la Justice. Il précise que les deux délits pourront s’appliquer aussi bien aux individus qu’aux entreprises.
5) Par quelle voie ces nouveaux délits vont-ils être introduits ?
Plusieurs amendements reprenant les nouvelles annonces du gouvernement ont été retenus dans le cadre du projet de loi Parquet européen et justice pénale spécialisée, adopté cette semaine en Commission des lois à l’Assemblée. Ils prévoient d'ajouter la compétence civile aux juridictions spécialisées en environnement qui vont être créées dans chacune des 36 cours d’appel que compte le territoire français, la création de postes d’assistants spécialisés en matière environnementale et d’un statut d’officier de police judiciaire pour les inspecteurs de l’environnement.
Mais les mesures les plus emblématiques sur la création de nouvelles infractions et de peines alourdies n’ont pas pu être intégrées dans le texte pour "des raisons procédurales" se justifie Éric Dupond-Moretti. Elles sont donc renvoyées au projet de loi Convention citoyenne pour le climat, qui doit être présenté début janvier en Conseil des ministres.
Concepcion Alvarez @conce1