Publié le 30 septembre 2020
ENVIRONNEMENT
COP15 Biodiversité : l’objectif de 30 % de la planète sous protection remis en question
Ce mercredi 30 septembre, un sommet de haut-niveau sur la biodiversité se tient aux Nations-Unies afin de lancer la dynamique en vue de l’adoption d’un nouveau cadre mondial post-2020 lors de la COP15 Biodiversité. Au cœur du projet de texte, l’objectif de 30 % de protection de la planète d'ici 2030 mis en avant par certaines ONG et États. Mais pour de nombreux experts, ces 30 % sont loin d’être pertinents et menacent les peuples autochtones.

Brent Stirton / Getty Images / WWF-UK
"Pour les peuples autochtones, les conservationnistes et les grosses multinationales constituent un seul et même ennemi commun", lance Fiore Longo, directrice de Survival International France. Avec 127 autres ONG, elle a lancé début septembre l’offensive contre les "30%". En mai prochain, la COP15 sur la diversité biologique, qui se tiendra en Chine, doit en effet convenir d'un nouvel objectif visant à placer au moins 30 % de la surface de la Terre (terres et mers) sous statut de conservation d'ici 2030. Ce qui aurait pour effet de doubler, au cours de la prochaine décennie, l'actuelle superficie des terres protégées (17 %).
Problème : les régions les plus riches en biodiversité sont celles où vivent encore des peuples autochtones. Elles seront les premières zones ciblées par les mesures de conservation. Or, selon cette coalition d’ONG, "la création d’aires protégées a rarement été réalisée avec le consentement des peuples autochtones ou dans le respect de leurs droits humains". Elles citent des expulsions forcées et des communautés violentées en Afrique et en Asie.
L'accaparement des terres des peuples autochtones
En début d’année par exemple, le WWF a fait l’objet d’une enquête des Nations Unies pour un projet de parc naturel au Congo où des gardes forestiers sont accusés d'avoir battu et maltraité les Pygmées Baka qui vivaient dans la région. "L’appel à faire de 30 % du globe des aires protégées est en réalité un accaparement de terres colossal aussi important qu’à l’époque coloniale européenne", défend Stephen Corry, de Survival International.
Une commission d’enquête indépendante a été mandatée par le WWF. "Nous souhaitons intégrer les communautés locales et peuples autochtones au centre des projets et travailler étroitement avec eux pour qu'ils bénéficient des impacts environnementaux et socio-économiques qui en découlent" assure Pierre Cannet, directeur du plaidoyer au WWF France. "Cet objectif de 30 % d'aires protégées est très important car il est structurant et permet d’attirer les projecteurs politiques afin d’y raccrocher les moyens nécessaires. Mais il ne sera pas suffisant seul. Il doit être accompagné d’un objectif de 10 % de protection forte de la biodiversité et d’un changement profond de nos modes de production et de consommation" ajoute-t-il.
Un slogan mobilisateur
Dans la dernière version du projet d'accord mondial pour la biodiversité post-2020, l’objectif de 30 % de surfaces protégées est maintenu. Il est défendu comme un objectif phare par un certain nombre d’ONG conservationnistes et par des États à la tête desquels se trouvent la France et le Costa Rica dans une coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples. "Les ONG et les politiques avaient besoin d’un slogan clair pour mobiliser, mais il y a une sorte de prisme déformant autour de cet objectif, car c’est le seul domaine dans lequel on a fait des progrès", souligne Aleksandar Rankovic, en charge des questions gouvernance internationale de la biodiversité à l’Iddri.
"Or, le véritable enjeu, beaucoup plus complexe, est de stopper le rouleau compresseur de destruction des écosystèmes en transformant les secteurs économiques comme l'agriculture. Pourquoi ne pas mettre le paquet sur les 70 % de surfaces non protégées ? Sans doute parce que l’on anticipe que c’est là que se trouvent les plus fortes résistances au changement, et que ce sera trop dur à appliquer", ajoute l'expert.
En amont du sommet de l'Onu sur la biodiversité, qui se tient ce mercredi 30 septembre pour lancer la dynamique de la COP15 Biodiversité, l'Union européenne ainsi que 64 chefs d’État et de gouvernement promettent d'inverser la tendance du déclin de la biodiversité d'ici à 2030 dans un "Leader’s pledge for nature", engageant 1,3 milliard de personnes et plus du quart du PIB mondial. Ni la Chine, pourtant hôte de la COP15, ni les États-Unis ou encore le Brésil ne font partie des signataires.
Concepcion Alvarez @conce1