Publié le 15 septembre 2023
ENVIRONNEMENT
Grève de la faim contre l'A69 Toulouse-Castres : "Je la continuerai à l'hôpital s'il le faut"
Les opposants au projet d'autoroute A69 entre Castres et Toulouse espèrent faire plier les autorités. Ils dénoncent les impacts environnementaux mais aussi sociaux de cette nouvelle infrastructure routière qui va artificialiser plus de 300 hectares de terres et renchérir le trajet. L'un d'eux campe désormais devant le ministère de la Transition écologique à Paris pour sa deuxième semaine de grève de la faim.
@Fanny Breuneval
Une tente grise, deux hamacs et quelques sacs étanches. Le campement semble classique, à ceci près qu'il est juché sur un platane, à hauteur des lampadaires du Boulevard Saint-Germain, face au ministère de la Transition écologique, en plein cœur de Paris. Thomas Brail, connu pour sa défense des arbres centenaires, se bat cette fois pour la suspension des travaux de l'autoroute A69 entre Castres et Toulouse, une nouvelle infrastructure routière qui va détruire de la biodiversité et artificialiser des terres.
C'est son quatorzième jour de grève de la faim. "Je la continuerai à l'hôpital s'il le faut", affirme-t-il à Novethic. L'échange se fait par téléphone. Le militant a décrypté, du haut de son arbre, notre numéro écrit sur un carnet. Thomas Brail a installé son campement ce jeudi 14 septembre aux aurores pour demander une réunion avec Clément Beaune, le ministre des Transports.
Quelques jours avant, il campait de la même manière à Toulouse pour rencontrer la présidente de la région Occitanie Carole Delga. Cette action lui a valu une réponse positive mais aussi une déchirure à l'épaule. Pas de quoi décourager le militant. Coupe d'arbres centenaires, artificialisation, hausse des coûts pour les habitants... Thomas Brail est déterminé face à la multitude des enjeux.
Un projet "anachronique"
Un joker s'est présenté fin août : Karim Lahiani, un paysagiste-urbaniste bénévole, a peaufiné durant plusieurs mois une alternative. Celui-ci propose d'augmenter la fréquence des trains entre les deux villes, d'agrandir la nationale existante et de créer une bande cyclable. Le tribunal de Toulouse doit encore étudier ce projet. Les militants attendent aussi le résultat d'un pourvoi déposé en août auprès du conseil d'État. "Ce projet est vieux de 30 ans, nous ne sommes plus à quelques mois près", souffle Thomas Brail.
"C'est un désastre, des platanes majestueux, de 50 mètres de haut, datant de l'époque napoléonienne, ont déjà été coupés pour le chantier", s'exclame le militant. Plus globalement, le projet va faire disparaître 343 hectares de terres agricoles à fort rendement et des terres naturelles. "L'équivalent d'un département est artificialisé tous les sept ans, ce n'est plus possible", lance le grimpeur.
Pour cette raison, le Conseil national de la protection de la nature a qualifié le projet d'"anachronique au regard des enjeux et ambitions actuels de sobriété" dans un avis consultatif défavorable rendu en 2022. "Ce dossier s'inscrit en contradiction avec les engagements nationaux en matière de lutte contre le changement climatique, d'objectif zéro artificialisation nette et zéro perte nette de biodiversité", conclut le rapport.
L'autoroute la plus chère de France
Les griefs sont aussi sociaux. "On ne pense pas assez aux paysans qui doivent céder leurs terrains, beaucoup sont en dépression", s'émeut Thomas Brail. Également, l'autoroute sera l'une des plus chères de France avec un coût de 8,47 euros entre Castres et Toulouse. S'il pourra être réduit de 20% avec un abonnement, les habitants qui ne préfèrent pas payer, verront le trajet par la nationale gratuite augmenter de 12 minutes à cause des différents ronds-points créés. De son côté, l'autoroute devrait faire gagner 20 minutes selon l'estimation réalisée par nos confrères du Monde.
Les élus qui soutiennent le projet mettent en avant la nécessité de rendre plus attractif le sud du Tarn. Le bassin Castres-Mazamet est considéré comme le seul de plus de 100 000 habitants qui n'est pas relié par une autoroute à une métropole. "Cette autoroute est vitale", a déclaré Christophe Ramond, président du département du Tarn auprès de France 3. Il souligne une amélioration possible de la qualité des soins et des échanges économiques. Il veut aussi nuancer la perte de terres agricoles : "Oui, on va devoir se passer de ces terres mais dans le Tarn, ce sont plus de 300 000 hectares de terres agricoles qui nous nourrissent".
Le rapport de force ne semble pas en faveur des militants. Le chantier a démarré en mars dernier et les milliers de manifestants mobilisés en avril n'ont pas empêché le tribunal administratif de Toulouse de rejeter un premier recours. Début septembre, les premiers arbres situés sur le tracé ont été coupés au milieu de la nuit, sous les yeux des manifestants encore présents pour les défendre. Toutefois, rien n'est perdu, selon Thomas Brail : "en 2021, à Strasbourg, la justice avait donné raison aux opposants d'une autoroute de contournement alors même qu'elle était presque finie, je veux aujourd'hui accélérer pour ne pas reproduire le même schéma."