Publié le 08 septembre 2014

ENVIRONNEMENT

Sécheresse en Californie : le mirage de l’eau venue du désert

Comment sauver  la Californie de la sécheresse historique qui la touche ? Grâce à l’eau issue de la fonte des neiges. C’est l’idée d’une entreprise qui veut installer un pipeline entre les montagnes du désert Mojave et Los Angeles, située à 300 km. Les scientifiques dénoncent les risques écologiques et la privatisation de cette ressource naturelle.

Panneau d'interdiction de baignade posé devant un canal asséché en Californie (août 2014)
© Justin Sullivan / Getty Images North America / AFP

Le désert du Mojave, situé à mi-chemin entre Los Angeles et Las Vegas, est une vaste région de plaines rocailleuses, parmi les plus chaudes et les plus arides des Etats-Unis. Mais cette étendue désertique est bordée par des montagnes qui culminent à plus de 2000 mètres pour certaines et qui sont enneigées une partie de l’année.

Quand la neige fond, l’eau s’écoule jusqu’à la plaine, stagne dans des lacs, puis finit en partie par s’évaporer. Alors qu’à 300kilomètres de là, la Californie souffre d’une sécheresse désormais endémique, cette évaporation est un gâchis, arguent les ingénieurs de la société Cadiz.


Avec un système de captage géant, ils espèrent collecter environ 60 millions de  m3 d’eau chaque année. Pour transporter cet or bleu, un premier pipeline de 70km sera construit au bord d’une voie ferrée pour rejoindre l’aqueduc à ciel ouvert du Colorado, déjà existant, et de là atteindre la région de Los Angeles.

Le projet est bien engagé : le comté de San Bernardino a donné son feu vert pour le pompage de l’eau sur ses terres, sans possibilité de faire machine arrière avant une décennie. Et six Agences locales de l’eau californiennes, représentant 1 million d’habitants, sont prêtes à payer pour recevoir cette eau providentielle venue du désert. "Nous pensons pouvoir fournir de l’eau à nos partenaires en 2017", espère le PDG de Cadiz, Scott Slater.

 

Un projet "sans dommage pour l’environnement" ?

 

Ce projet est garanti "sans dommage pour l’environnement", il a été "examiné de près par un comité d’experts nationaux indépendants venus de plusieurs disciplines", répond Scott Slater. Attention au mirage, mettent en garde de leur côté plusieurs associations écologistes. Après une première procédure devant la justice qui a échoué, elles vont faire appel devant la Cour suprême de Californie pour tenter de stopper le projet.

Ileene Anderson, une biologiste du Center for Biological Diversity, décrit notamment le sort d’espèces en danger, comme ces mouflons du désert promis à une disparition certaine. Le projet Cadiz doit s’installer tout près de la réserve nationale du Mojave, "l’un des joyaux du désert californien et un refuge pour la faune et la flore de la région, insiste-t-elle.

 

"L’eau est un trésor" qui ne peut pas être privatisé

 

Ruth Musser-Lopez, une archéologue qui est par ailleurs candidate au Sénat, s’inquiète de son côté de l’appropriation par une entreprise privée d’une ressource qui appartient à tous. "Les Etats-Unis, et l’Etat de Californie en particulier, doivent se réveiller et prendre conscience que l’eau est un trésor et qu’elle ne doit pas être privatisée par des entreprises qui ne comprennent pas la notion d’héritage ou de génération future", argumente-t-elle, pointant au passage du doigt le fait que l’eau captée dans le désert ira "remplir des lacs artificiels et des piscines fermés au grand public et réservés aux riches sur la côte".


Mais les mentalités changent peu à peu, assure la biologiste Ileene Anderson : "toute la Californie est un désert. Et les Californiens commencent à le comprendre. La sécheresse que nous endurons ne doit pas nous pousser à nous demander comment avoir plus d’eau, mais comment économiser l’eau que nous avons".

En attendant, la société Cadiz, cotée au Nasdaq, voit son avenir en bleu : le cours de son action a quasiment doublé depuis mai dernier. 

Fannie Rascle, correspondante au Etats-Unis
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