Publié le 02 octobre 2017
ENVIRONNEMENT
L'agriculture post-glyphosate exige un nouveau modèle de production
Cultiver sans glyphosate, c'est le futur défi des agriculteurs français. Près de 8 000 tonnes de ce désherbant, jugé cancérogène probable par l'OMS, sont épandues sur le territoire chaque année. Or le gouvernement prévoit son interdiction prochaine. Selon la FNSEA, principal syndicat agricole, impossible car il n'existe pas d'alternative. Si, répondent les agriculteurs bio, il suffit d'abandonner le réflexe du tout chimique et accepter de produire moins.

Marina Fabre
C’est la "solution miracle" de deux tiers des agriculteurs. Le glyphosate, principal agent actif du Roundup, l’herbicide le plus vendu au monde, est présent dans plus de 150 produits autorisés en France. En tout, on en épand 8000 tonnes par an. "Pour les agriculteurs, les herbicides à base de glyphosate permettent un désherbage simple, adaptable, économique, car ils permettent d’éliminer, pour plusieurs années, les mauvaises herbes vivaces", défend la Glyphosate Taks Force.
Les pays européens s'apprêtent à voter, début octobre, l'interdiction ou le renouvellement pour 10 ans de l'autorisation de ce produit. La France a d'ores et déjà annoncé qu'elle votera contre. De son côté, le Premier ministre Édouard Philippe a demandé à ses ministres de la Transition écologique, Nicolas Hulot, et de l'Agriculture, Stéphane Travert, de lui proposer, d'ici fin 2017, une stratégie de sortie du glyphosate.
Tout le modèle d'agriculture à repenser
Mais est-ce possible ? "Aujourd'hui, il n'existe pas d'alternative au glyphosate. Son interdiction immédiate est donc difficile", reconnaît le chef du gouvernement. Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, principal syndicat agricole, s'oppose fermement à toute décision hâtive :"Sans solution alternative, pas d’interdiction". Une telle interdiction, sans préavis, mettrait les "agriculteurs dans une impasse technique", explique-t-elle.
Le fait est que, à part le glufosinate-ammonium, aussi nocif que le glyphosate selon des chercheurs de l'Inra (Institut national de la recherche agronomique), aucun substitut n’existe. "C’est très compliqué pour les céréaliers", avoue même Maxime de Rostolan, coordinateur du projet Fermes d’Avenir, un groupe d’agriculteurs qui promeut l’agriculture bio, la permaculture et l’agroécologie. "Ils ont le choix entre labourer (ce qui détruit la matière organique et la structuration des sols, ndr) ou utiliser le glyphosate, qui est tout aussi mauvais. C’est tout le modèle d’agriculture qu’il faut repenser", estime-t-il.
Pour la plupart des agriculteurs conventionnels, l’interdiction du glyphosate rime avec perte de rentabilité et retour au désherbage mécanique. Et pourtant, "on prouve tous les jours qu’on peut se passer du glyphosate !", témoigne Stéphanie Pageot, présidente de la FNAB, Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique. "Il faut allonger les rotations et accepter de produire moins mais mieux", estime-t-elle. Il faut aussi "casser les filières de monocultures pour intégrer une diversification des cultures", précise Maxime de Rostolan.
Le compromis des fermes DEPHY
Des pratiques que les fermes Dephy essaient de mettre en place. Il ne s'agit pas de se passer de toute aide chimique, mais ce réseau d’agriculteurs est le moteur du plan Ecophyto qui vise à réduire l'utilisation des produits phytosanitaires de 25 % d’ici 2020 et de 50 % d’ici 2050. Aidés par les chambres d’agriculture, ces agriculteurs, souvent en exploitation conventionnelle, ont su s’adapter et changer leur modèle.
"La betterave nous a ouvert les yeux", témoignait en juin Grégoire Lhotte sur Novethic, agriculteur dans l’Oise près de Compiègne. "Nous avons eu des problèmes de nématodes (parasites qui attaquent la racine, NDLR) qui étaient trop résistants aux produits phyto. Notre production a chuté de moitié en un an. On a alors opté pour le naturel, en intégrant une culture de moutarde qui casse le cycle de reproduction du nématode. On ne peut pas tout régler avec le chimique et la mécanique, l’introduction des plantes marchent aussi".
L’agriculteur s’est tourné vers des méthodes alternatives comme le désherbage mécanique à l’aide de herse étrille ou de houe rotative. Il a également testé divers couverts végétaux entre deux cultures pour pomper le nitrate et augmenter le taux de matières organiques. Bonduelle, avec qui il était en contrat, l’a aidé dans cette démarche. "Il faut être accompagné. C’est difficile de changer ce qu’on a toujours appris", expliquait-il. Et pour accompagner il faudra débourser. L'État y est-il prêt?
Marina Fabre @fabre_marina