Publié le 11 novembre 2019
ENVIRONNEMENT
L’agriculture française n’est pas prête à encaisser les coûts élevés liés à la suppression du glyphosate, alertent des parlementaires
Un rapport parlementaire, qui doit être rendu public cette semaine, tire le signal d’alarme sur l’interdiction du glyphosate. À un peu plus d’un an de son interdiction, le gouvernement doit clarifier qui sera concerné par cette disposition car la viabilité de plusieurs activités serait remise en cause en raison de la hausse des coûts d’exploitation.

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La mission parlementaire chargée d'évaluer le plan de sortie du glyphosate - dont l'AFP a obtenu une copie du rapport avant sa présentation à la presse prévue mercredi - juge "inconscient d'attendre le 31 décembre 2020" pour savoir "quelles situations culturales" devront obligatoirement cesser d'utiliser l'herbicide le 1er janvier 2021 et lesquelles pourront bénéficier d'un délai. "Il est crucial que le gouvernement clarifie son message à l'égard des agriculteurs, en premier lieu à l'égard de ceux qui seront soumis à l'interdiction du glyphosate dès le 1er janvier 2021", ajoute le rapport en soulignant que la "transition" aura un "coût substantiel".
Les parlementaires listent les coûts supplémentaires attendus selon les exploitations : frais de main-d’œuvre (12,7 millions d'euros d'heures supplémentaires), consommation de carburant multipliée par 3 ou 4 (87 millions d'euros), investissements en matériels nouveaux et croissance des dépenses dans d'autres produits chimiques… Selon Jean-Luc Fugit (LREM) et Jean-Baptiste Moreau (LREM), les auteurs du rapport, la suppression de cet herbicide bon marché alourdirait les charges des exploitations entre 50 et 150 euros l'hectare.
Par ailleurs, les coûts de production du blé augmenteraient de 10 euros la tonne. Les techniques alternatives de désherbage (passages supplémentaires de tracteurs et de machines) émettraient aussi 226 000 tonnes de CO2 supplémentaires, selon l'association générale des producteurs de céréales AGPB citée dans le rapport. Les élus signalent aussi les cultures en pente difficiles à cultiver mécaniquement, les cultures des exploitations dites en "zones intermédiaires" sur des sols difficiles à travailler et peu productifs, ou l'agriculture de conservation des sols (sans labourage).
La viticulture en pointe
La "mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate", demande que l'INRA et les instituts techniques agricoles précisent "au plus tard en juin 2020" les situations "qui ne pourront supporter un arrêt du glyphosate le 1er janvier 2021 sans menacer la survie de l'exploitation ni son environnement".
Interrogée dimanche sur ce rapport, la ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, a affirmé que le gouvernement "reste résolu à sortir du glyphosate". L'objectif est "de sortir de l'essentiel des usages au 1er janvier 2021, et de tous les usages au 1er janvier 2023", a-t-elle assuré dans l'Émission politique de France Inter, France Télévisions et Le Monde. "Je pense qu'on a des premières filières qui pourront le faire sans doute plus rapidement que d'autres (...) on souhaite avoir la première viticulture zéro glyphosate et je pense qu'ils sont en train d'agir pour que ce soit le cas", a précisé Élizabeth Borne.
Pour le député Matthieu Orphelin - un proche de Nicolas Hulot qui a quitté LREM en février en déplorant que la majorité n'aille pas "au bon rythme" sur l'écologie - ce rapport "montre que, à seulement un peu plus d'un an de la première échéance, la dynamique n'est pas suffisamment enclenchée". Dans un communiqué dimanche soir, il déplore le fait qu'il soit "impossible de suivre l'évolution de l'utilisation du glyphosate : même l'état des lieux en 2018 de la consommation de glyphosate par filière n'a pas été possible". Il plaide pour "quand c'est justifié, de(s) soutiens techniques et financiers nouveaux pour les agriculteurs s'engageant dans la sortie du glyphosate".
Ludovic Dupin avec AFP