Publié le 29 novembre 2018
ENVIRONNEMENT
L'Émission politique : l'agricultrice accusée d'être pro-glyphosate revient sur sa rencontre avec Nicolas Hulot
C’était le 22 novembre dernier. Céline Imart*, agricultrice du Tarn, faisait face à Nicolas Hulot dans l’Émission politique. Entre le glyphosate, la concurrence déloyale, la crise agricole… la productrice a voulu mettre l’ancien ministre de l’Environnement face à ses contradictions. Elle le juge à l'écoute mais dénonce une politique hors sol qui interdit des pesticides en France mais importe des produits étrangers fortement traités.

© Capture d’écran France 2
Qu’est-ce que vous attendiez de Nicolas Hulot et vous a-t-il convaincu ?
J’attendais des éclaircissements sur les incohérences de la politique gouvernementale concernant l’agriculture. Sur la forme, j’ai trouvé que Nicolas Hulot était à l’écoute, c’était un débat constructif. Mais il a botté en touche sur de multiples sujets notamment sur l’interdiction du glyphosate. Le gouvernement a décidé d’interdire ce pesticide sous trois ans sans nous proposer d’alternative. Il n’a rien anticipé et nous n’avons pas eu voix au chapitre alors qu’on est les premiers concernés.
On vous décrit comme pro-glyphosate et anti-ONG, n'y a-t-il pas un fossé entre vos positions et celles des consommateurs ?
Aujourd’hui, on cède au sensationnalisme, à l’émotion. Quand une agricultrice comme moi vient sur un plateau, en parlant avec pragmatisme, en nuançant, c’est forcément moins vendeur que d’affirmer qu’on a trouvé du glyphosate dans les urines (selon une étude de Générations futures, ndr). On me décrit comme anti-ONG et pro-OGM parce qu’on a besoin de cataloguer les individus. Moi, ça ne m’intéresse pas. Je ne suis pas allée dans cette émission pour "casser Hulot" mais pour pointer des incohérences et mettre en lumière notre quotidien.
Pourquoi ne pouvez-vous pas vous passer du glyphosate ?
On peut mais il faut des alternatives ! Aujourd’hui on l’utilise sur des intercultures, c’est-à-dire une période comprise entre deux cultures principales, quand il y a des repousses et seulement entre un litre et un litre et demi par hectare. Au Canada, c’est plutôt quatre litres et directement sur le blé avant la moisson. On en a déjà une utilisation raisonnée. Les chercheurs eux-mêmes commencent seulement à enquêter sur des alternatives, on n’en aura pas de viable avant 10 ans. Pourquoi on se précipite pour l’agriculture alors qu’on laisse le temps au secteur du nucléaire, par exemple, pour changer de modèle ?
Vous vous sentez stigmatisée ?
On a l’impression d’être considérés comme des empoisonneurs. Si on veut une agriculture moins pesticidée, dans ce cas, il faut fermer les frontières. L’État français a interdit le diméthoate, un pesticide qui permet de lutter contre les maladies des cerisiers. Résultat, en France, 40 % des cerisiers ont dû être coupés parce qu’ils étaient attaqués par des larves. La France a donc importé des cerises espagnoles, italiennes ou turques qui sont largement imprégnées de ce pesticide. Quel est l’intérêt pour les agriculteurs et les consommateurs français ? On nous demande tout à la fois, d’avoir des produits de toutes les saisons, de vendre à des prix bas et en même temps de réduire les pesticides mais personne n’est prêt à financer cette transition. Il n’y a pas de cohérence, surtout dans les actes d’achats.
Propos recueillis par Marina Fabre @fabre_marina
*Céline Imart est à la tête d'une exploitation céréalière dans le Tarn, elle est vice-présidente du syndicat des Jeunes Agriculteurs.