Publié le 03 novembre 2023

ENVIRONNEMENT

Sécheresse, surexploitation des nappes... Des trous béants avalent les terres agricoles en Turquie

On les appelle des dolines. Ces immenses cratères se multiplient dans la province de Konya, en Turquie. Provoqué par la surexploitation des nappes souterraines à des fins agricoles, ce phénomène s’amplifie alors que le pays connait des périodes de sécheresse intense. Une problématique qui inquiète les agriculteurs et les habitants.

Doline turquie VOLKAN NAKIBOGLU AFP
Une doline à Konya, en Turquie, en avril 2021.
VOLKAN NAKIBOGLU / AFP

L’image est impressionnante. Au beau milieu d’un paysage agricole dont les cultures s’étendent à perte de vue, un immense trou aux parois abruptes se dessine. Ce gouffre, qui porte le nom de doline, est le résultat d’un phénomène qui se multiplie dans les champs de la province de Konya, en Turquie. L’un des derniers exemples en date, apparu le 14 septembre dernier, mesure 50 mètres de large sur 40 mètres de profondeur.  

Terres agricoles, maisons, routes ou encore canalisations… Les dolines emportent tout avec elles, créant d’importants dommages. Elles se forment fréquemment lorsque des cavités souterraines contenant de l’eau s’érodent, puis s’effondrent sous le poids du sol en surface. Ce processus naturel donne alors lieu à des cratères allant de quelques mètres de largeur à plusieurs hectares. Mais sous l’effet cumulé du changement climatique et d’un recours excessif aux eaux souterraines, les agriculteurs turcs ont vu leur nombre exploser ces dernières années. 

Plus de 2 200 dolines fin 2021

Alors qu’il en comptait un peu moins de 300 en 2017, le Centre de recherche sur les dolines de l’université technique de Konya a répertorié fin 2021, 1 850 cavités peu profondes et 700 gouffres de plus d’un mètre de hauteur, soit un total de 2 550 cratères dans la région. Une augmentation massive attribuée selon l’organisme à plusieurs facteurs.

D’une part, la Turquie fait face à des périodes de sécheresse intense de plus en plus fréquentes, engendrant notamment un épuisement de ses ressources en eau douce. L’année 2023 en est un parfait exemple. Le 15 août dernier, le pays a battu un record de chaleur alors que la température atteignait 49,5°C dans la ville de Saricakaya, au centre du pays. Une vague caniculaire accompagnée d’un déficit pluviométrique. "Cette année, il n’a pas plu une goutte d’eau en quatre mois dans toute la Turquie", témoigne un habitant auprès de RFI. Résultat, début octobre, le taux de remplissage des barrages alimentant Istanbul, plus grande ville du pays, était seulement de 23%. 

La situation pousse par ailleurs les agriculteurs à s’alimenter directement dans les nappes phréatiques pour assurer l’irrigation de leurs cultures. Le secteur est le plus important consommateur d’eau en Turquie, note l’OCDE qui relève en parallèle une augmentation des pompages illégaux. La région de l’Anatolie compterait ainsi 100 000 puits, dont seul un tiers seraient déclarés. Ce captage excessif amplifie le phénomène des dolines, assure le Centre de recherche de l’université de Konya.

Un modèle agricole gourmand en eau

D’autant plus depuis que la Turquie s’est tournée vers une agriculture intensive. "Les produits les plus cultivés sont la betterave à sucre, le maïs, la luzerne et le tournesol. Des cultures qui nécessitent de l’eau tout au long de l’année", observe Fetullah Arik, directeur du département d’ingénierie géologique de l’université de Konya, interrogé par Reporterre. Pour s’adapter à ce modèle très gourmand en eau, les agriculteurs creusent des puits de plus en plus profondément, entraînant une baisse progressive du niveau des nappes phréatiques. 

Une situation dénoncée par le réalisateur turc Emin Alper dans son dernier long-métrage, "Burning Days". Sorti en salle en avril 2023, il met notamment en scène les enjeux posés par la surexploitation de l’eau dans la province de Konya. "La pénurie d'eau en Turquie devient de plus en plus problématique. Et les dolines constituent un vrai problème en Anatolie centrale, explique le cinéaste auprès d’Allo Ciné. Avec la disparition des nappes phréatiques, le nombre de dolines augmente rapidement et crée un réel danger pour les populations. Mais malgré ce danger, la surconsommation d'eau se poursuit."

Florine Morestin


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