Publié le 23 septembre 2014
ENVIRONNEMENT
Allemagne : le charbon entache le développement des énergies renouvelables
La transition énergétique allemande, l’Energiewende, semble piégée : les énergies renouvelables progressent… les émissions de CO2 tout autant. Au point que le baromètre du cabinet McKinsey – qui mesure les progrès de la transition énergétique outre-Rhin – en conclut que l’Allemagne ne pourra pas atteindre ses objectifs climatiques d’ici à 2020. En cause : la renaissance du charbon qui réduit à néant tout le bénéfice climatique des énergies renouvelables.

© Carsten Koall / Getty Images Europe / AFP
Le constat est rude. Dioxyde de carbone (CO2), éolien en mer, efficacité énergétique... sur les 15 objectifs étudiés par le cabinet McKinsey dans son baromètre, six sont considérés comme "irréalistes". Et en tout premier lieu, les baisses d’émissions de CO2 : l’Allemagne ne pourra pas réduire ses émissions de 40% d’ici à 2020 (1990 comme année de référence), comme le prévoit sa feuille de route climatique. "Les résultats du cabinet McKinsey ne sont pas surprenants, commente le journaliste Jörg Staude, spécialiste des enjeux climatiques allemands pour le site www.klimaretter.info. Il n’en demeure pas moins qu’un tel indice venant d’un cabinet international est un beau cadeau. Il est enfin possible de mettre le gouvernement sous pression grâce à des chiffres que même les conservateurs ne peuvent dénigrer."
McKinsey en conclut qu’il faut baisser les objectifs climatiques à atteindre. Les organisations environnementales, elles, s’appuient sur les chiffres publiés pour réitérer leur revendication : il faut sortir du charbon au plus vite. "Nous avons besoin d’un consensus sur le charbon qui définira de manière claire les étapes à suivre pour aboutir au final à la sortie de cette source d’énergie climaticide", déclare Christoph Bals de l’organisation Germanwatch (lire notre article). L’activiste environnemental fait référence à la sortie du nucléaire qui, à ses yeux, doit servir de calque pour encadrer la sortie du charbon.
Sortir du charbon, vite
Le tournant énergétique, entamé en avril 2000 avec la promulgation de la loi EEG (et qui s’est accéléré il y a trois ans avec la sortie officielle de l’Allemagne du nucléaire), repose sur l’expansion des énergies renouvelables. Une aubaine pour l’industrie du charbon : le caractère intermittent des énergies vertes et les capacités de stockage encore insuffisantes lui confèrent le rôle "d’énergie transitoire". Actuellement, le lignite et la houille fournissent 45% de l’électricité du pays, un chiffre en hausse par rapport à 2012 (44,8%) et 2011 (43,2%). Parallèlement, en hausse, les émissions de CO2 : de 940 millions de tonnes en 2012, elles sont passées à 951 millions en 2013. Or, Berlin vise un objectif de 750 millions de tonnes d’ici à 2020.
Et les énergies renouvelables ? Elles aussi sont en progression. En 2013, elles fournissaient de l’électricité à 25,4% contre 22,8% l’année précédente et contribuent à faire baisser les émissions de CO2 de plus de 100 millions de tonnes. Seulement voilà : des données publiées par la Commission européenne en avril dernier montrent que les centrales au charbon allemandes émettent... 118,3 millions de tonnes.
Miser sur l’opinion publique pour abandonner le charbon
Antinomique, la situation l’est sans conteste. Mais les appels des organisations environnementales à la sortie du charbon ne sont-ils pas pour autant illusoires ? L’Allemagne est-elle en mesure de passer le cap des 100% d’énergies renouvelables d’ici l’horizon 2050 ? Oui, si l’on en croit les études et scénarios publiés par le très sérieux Fraunhofer Institut, le CNRS allemand. La technologie est là, l’état de la recherche et du développement se trouve à un stade satisfaisant. Ce qu’il manque encore, c’est un large consensus au sein de l’opinion publique, celle-là même qui a poussé Angela Merkel a adopté la sortie du nucléaire.
Les organisations environnementales y croient. "Certains membres du gouvernement ainsi qu’une large partie de l’opposition se montrent ouverts à un débat sur la sortie du charbon, rapporte encore Christoph Bals. Des organisations comme Germanwatch voient par conséquent la possibilité d’ouvrir le débat public avec pour objectif d’aboutir à un large consensus social grâce auquel une feuille de route vers la sortie du charbon serait dressée."