Publié le 19 septembre 2017
ÉNERGIE
Mariage de Total et Greenflex : le pari risqué de la transition par acquisition
Surprise générale ce 19 septembre avec l'annonce du rapprochement de Greenflex, spécialiste français de l’accompagnement des entreprises dans la transition énergétique et la performance environnementale, et du pétrolier Total. En investissant dans GreenFlex (230 collaborateurs, 600 clients, 230 millions d’euros de chiffre d’affaires) l’industriel de l’énergie envoie un signal fort de son ambition : devenir "la major de l’énergie responsable". Mais que gagne Greenflex dans cette opération ? Fréderic Rodriguez, son président fondateur, répond.

@Laurence Guenoum
Vous cherchiez un partenaire capable de vous donner les moyens de financer votre développement à l’international et de soutenir votre croissance (40 % par an). Pourquoi Total ?
Nous avions à notre capital un fonds d’investissement qui souhaitait vendre sa participation. Depuis un an, nous avons étudié diverses propositions qui venaient d’acteurs financiers mais aussi d’industriels. Nous voulions un partenaire qui s’engage à conserver l’ensemble de nos salariés, notre marque et notre indépendance. Nous voulions aussi qu’elle ait une vision de long terme. C’est plus fréquent chez des industriels qui ont des projets à vingt ou trente ans que chez des acteurs financiers dont l’horizon est de cinq ans maximum. Cela a aussi été plus simple de faire comprendre à Total notre multi-expertise dans trois métiers : l’accompagnement (conseil stratégique et opérationnel), l’intelligence des données et le financement.
Quelle place allez-vous prendre chez Total ?
Nos interlocuteurs, au sein du groupe, sont ceux de la nouvelle unité "Gas Renewables & Power" créée il y a un an. Elle doit représenter près de 20 % du portefeuille d’activité du groupe en 2035. Nous serons intégrés à sa branche "innovation et efficacité énergétique" et donc au cœur d’un grand groupe pour accélérer la transition énergétique. C’est une opportunité exceptionnelle même si je comprends que cela peut surprendre. Cependant, depuis que j’ai créé Greenflex, en 2009, j’ai toujours fonctionné sur le principe de la rupture. Cela nous a plutôt réussi.
Comment réagissent vos clients et vos salariés ?
J’ai passé beaucoup de temps à expliquer à tous les salariés l’ensemble de cette opération, les raisons de ce choix et toutes les opportunités qu’il offre. Aujourd’hui, ils soutiennent globalement ce rapprochement même s’il est toujours difficile d’avoir 100 % d’adhésion. GreenFlex a réalisé douze acquisitions en moins de huit ans. Nous avons donc une vraie culture d’intégration qui sera très utile dans cette nouvelle configuration. Quant à nos clients, ils sont à 80 % des grands groupes cotés. Ils nous demandent de les accompagner à l’international pour développer ce que nous avons mis en place auprès de leurs équipes françaises. Je leur ai expliqué que Total garantissait notre plan de développement et notre objectif de doubler nos effectifs et notre chiffre d’affaires d’ici à 2021 pour devenir le leader mondial de la performance environnementale et sociétale en s’appuyant sur des plateformes digitales. Par ailleurs, nous allons adapter notre gouvernance pour garantir auprès de nos clients industriels notre d’indépendance vis-à-vis du groupe Total.
La réputation est un élément clé de la valeur d’une entreprise. Ce rapprochement avec un géant pétrolier ne risque-t-il pas d’écorner la vôtre ?
Nous restons l’entreprise engagée que nous sommes, dont l’objectif est de relier massivement l’économie à l’écologie. Ce projet auquel nos salariés adhèrent est toujours là. Nous restons dans nos locaux sur les grands boulevards à Paris avec notre restaurant démonstrateur au pied de l’immeuble (Imago un restaurant de cuisine durable, ndr). Nous ne déménageons pas à La Défense. C’est plutôt nos partenaires de Total qui commencent à nous demander de leur installer des bureaux de passage. Ce rapprochement est un pari, mais je reste aux commandes de Greenflex pour démontrer que nous sommes capables de le gagner.
Propos recueillis par Anne-Catherine Husson-Traore, Directrice générale de Novethic, @AC_HT_