Publié le 22 septembre 2015

ÉNERGIE

Les bases d’un bon prix du carbone selon la Banque mondiale

Fixer un prix du carbone est de plus en plus courant dans le monde. 39 pays et 23 entités sub-nationales l’ont déjà adopté, que ce soit au travers d'un marché carbone ou une taxe. C’est ce que révèle un rapport de la Banque mondiale qui publie aussi, avec l’OCDE et le FMI, une étude sur les principes à suivre pour mettre en place un prix du carbone au niveau mondial. Un outil que ces institutions considèrent comme fondamental pour lutter contre le changement climatique.

Photo d'illustration.
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A l’approche de l’Assemblée générale des Nations Unies, consacrée au développement et au climat, et de la COP 21, la Banque mondiale, avec l’OCDE et le FMI, lance un appel. Un appel à fixer un prix du carbone effectif et efficace.

L’institution se base sur deux publications : la première, qui lui est propre, recense l’état et les tendances du prix du carbone en 2015 (The state and trends carbon pricing 2015). La seconde, réalisée avec l’OCDE et le FMI, sur les principes à suivre pour le mettre en place au niveau mondial (New principes to move on a low carbon path, amid growing momentum for carbon pricing).

" Avec la COP21 qui approche à grand pas, le besoin de trouver une politique carbone efficace est plus important que jamais. Mettre un prix au carbone est central dans la quête d’une transition rentable vers le zéro émission dans la seconde moitié du siècle "affirme ainsi Angel Gurría, le secrétaire général de l’OCDE. D’autant qu’il est " simple à administrer, qu’il peut  générer de précieuses recettes dans le cadre de réformes fiscales plus larges et peut aider à combattre aussi bien la pollution que le changement climatique " renchérit la directrice du FMI, Christine Lagarde.

 

Un marché de 50 milliards de dollars

 

L’outil est d’ailleurs de plus en plus utilisé, que ce soit par le bais d’une taxe ou d’un marché carbone. En juin 2015, 39 pays et 23 entités sub-nationales l’avaient déjà adopté ou étaient en passe de le faire. Un nombre qui a quasiment doublé depuis 2012. Aujourd’hui ces taxes et marchés couvrent 7 Gt de CO2, soit 12 % des émissions de gaz à effet de serre globales. Leur valeur marchande est estimée à près de 50 milliards de dollars par la Banque mondiale (34 mds $ pour les marchés, 14 mds $ pour les taxes).

Les plus gros volumes sont concentrés en Chine (1 milliard de tonnes de CO2 couvert par le marché carbone) et les Etats-Unis (0,5 milliard de tonnes de CO2)

 

6 principes pour un prix du carbone efficace

 

Mais pour changer d’échelle et étendre plus largement ce type de dispositif, les trois institutions ont épluché les démarches existantes et les études sur le sujet. Elles en ont dégagé 6 principes – appelés " faster principles " - censés assurer le succès du dispositif. L’objectif : aider les gouvernements à introduire le prix du carbone dans leur politique climatique.

1/ Équité : le prix du carbone doit être fixé selon le principe du pollueur payeur. Il doit aussi distribuer les coûts et les bénéfices de manière équitable, de façon à ne pas pénaliser les acteurs les plus vulnérables.

2/ Cohérence des objectifs et des politiques : il est essentiel que le prix du carbone ne soit pas atténué par des mesures contraires comme les subventions aux énergies fossiles.

3/ Stabilité et prévisibilité : c’est la clé pour qu’entreprises et gouvernements puissent flécher leurs investissements vers les technologies et infrastructures bas carbone. Cela ne doit pas empêcher une dose de flexibilité pour redresser la barre en cas d’imprévus technologiques ou économiques (comme la crise économique de 2008 sur le marché carbone européen). Un prix bas qui augmente graduellement produit le bon signal mais permet de rejeter un plus gros volume d’émissions qu’un prix haut dès le départ, avertit la Banque mondiale.

4/ Transparence : mesurer, vérifier, évaluer et communiquer, c’est essentiel pour les investisseurs. Mais aussi pour assurer la crédibilité de ces dispositifs auprès des populations.

5/ Efficacité et rentabilité : le prix du carbone encourage une baisse des émissions à moindre coût et améliore l’allocation des ressources en faisant en sorte que les coûts de réduction des émissions soient pris en compte dans la production, la consommation et les décisions d’investissements par les secteurs publics et privés ainsi que par les particuliers. Il produit aussi des recettes fiscales et des bénéfices économiques additionnels.

6/ Fiabilité et intégrité environnementale : le prix du carbone doit avoir un champ d’application large, sur les secteurs du fioul et du gaz notamment. Il est d’autant plus efficace que les alternatives aux activités et produits carbo-intensifs sont facilement accessibles et peu onéreuses.

 

Un risque de fuite carbone limité

 

Un système de prix du carbone bien étudié et encadré est un outil puissant et flexible qui permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre responsables du changement climatique, estiment les auteurs de l’étude.

Si les pays collaborent entre eux sur cette question cela leur permettrait même de réduire considérablement le coût de l’action pour atteindre l’objectif d’un réchauffement limité à 2°C, sachant que les pays auront plus de flexibilité pour choisir les acteurs qui devront réduire leur émissions et payer. Cette collaboration pourrait générer 400 milliards de dollars d’ici 2030 et 2 200 milliards d’ici 2050 de flux nets annuels dans les ressources financières, calcule la Banque mondiale.

Enfin, concernant le risque de fuite carbone (délocalisation d’entreprises dans des pays où les émissions coûtent moins cher) régulièrement avancé par les entreprises, la Banque mondiale assure que le " phénomène ne s’est pas matérialisé de façon significative : le risque potentiel d’impacts négatifs sur la compétitivité et de fuites carbone est habituellement limité à de très peu nombreux secteurs d’activité et peut être jugulé par un bon encadrement du prix carbone ou des mesures complémentaires. Cela sera de plus réduit au fur et à mesure de l’extension géographique d’un prix du carbone ", précise l’étude.

Béatrice Héraud
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