Publié le 20 octobre 2022

ÉNERGIE

Après l’Espagne et les Pays-Bas, la France va-t-elle aussi se retirer du Traité sur la charte de l’énergie ?

La France est de plus en plus isolée. Elle n'a pas encore communiqué sur un éventuel retrait du Traité sur la charte de l'énergie, un accord qui freine la transition énergétique européenne. Le Haut conseil pour le climat estime que le retrait est la seule solution pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris. L'Espagne, les Pays-Bas et la Pologne ont déjà annoncé leur retrait du texte.

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La France assure qu'une décision sera prise dans les prochains jours.
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La pression ne cesse de s’accentuer sur la France. Alors qu’une campagne d’interpellation vient d’être lancée auprès de plusieurs ministres du gouvernement par une trentaine d’organisations pour les inviter à sortir du Traité sur la charte de l’énergie (TCE), c’est au tour du Haut conseil pour le climat (HCC) d’exprimer la même requête. Dans le cadre de son auto-saisine, l’instance a rendu mercredi 19 octobre 2022 un avis sur la modernisation de ce texte, actuellement en cours. Et sa conclusion est sans appel : "Seul le retrait du TCE permet de lever l’incompatibilité du traité avec les calendriers de décarbonation à l’horizon 2030, et de restaurer la souveraineté des États membres dans leurs politiques climatiques et énergétiques en limitant les risques de contentieux."

Signé en 1994, à la sortie de la guerre froide, par une cinquantaine de pays parmi lesquels tous les États de l’Union européenne (à l’exception de l’Italie, qui en est sorti en 2016), les pays de l’ancien bloc soviétique, le Japon, le Yémen ou encore l’Afghanistan, le TCE visait à faciliter les relations énergétiques dans l’ensemble du continent eurasien. Mais le traité est régulièrement contesté car il donne la possibilité aux multinationales et aux investisseurs d’attaquer en justice les gouvernements dès lors que ces derniers modifient leurs politiques énergétiques dans un sens contraire à leurs intérêts. La France a ainsi été poursuivie pour la première fois par un investisseur allemand début septembre 2022.

L'Espagne, les Pays-Bas et la Pologne sur la voie de la sortie

Le texte est en cours de modernisation depuis 2018. Un accord doit être définitivement adopté fin novembre par tous les pays membres du TCE. La nouvelle version du traité prévoit d’étendre la protection des investissements à de nouvelles énergies (captage et stockage du carbone, biomasse, hydrogène, combustibles synthétiques, etc.) et d’exclure du champ du Traité la protection des investissements dans les énergies fossiles réalisés à partir d’août 2023 et ceux qui auront plus de dix ans à cette date. Mais pour les spécialistes, le TCE modernisé continuera de peser comme une épée de Damoclès sur la transition énergétique européenne.

"Aucun des cas de figure possibles à l'issue de l’accord de modernisation du TCE ne permettra aux parties signataires de s'engager sur une trajectoire de décarbonation de leurs secteurs énergétiques respectifs à l'horizon 2030 et à la hauteur de l'ambition de l'Accord de Paris", souligne ainsi le HCC dans son rapport. "Un retrait coordonné du TCE de la part de la France et de l’UE apparaît comme étant l’option la moins risquée pour respecter les engagements nationaux, européens, et internationaux sur le climat", ajoute-t-il.

De fait, plusieurs États membres sont déjà en train de prendre le chemin de la sortie. Le 18 octobre, le ministre néerlandais du Climat et de l’Énergie, Rob Jetten, a annoncé que les Pays-Bas, poursuivis par deux fois au titre du TCE pour leur décision de fermer leurs centrales à charbon, avaient décidé de se retirer. L’Espagne a aussi confirmé qu'elle était désormais "certaine" de se retirer de cet accord, n'y trouvant "pas d'améliorations" suffisantes. L'assemblée polonaise a également voté un projet de loi enclenchant également le retrait du pays. Et selon des informations transmises par le collectif Stop Ceta, l'Allemagne serait la suivante.

"Peut-on décider de l’avenir de la présence de la France dans un traité si nocif derrières portes closes ?"

Le gouvernement français de son côté reste discret et, selon AEF Développement durable, assure qu'une décision sera prise dans les prochains jours. Il va devoir se prononcer d'ici la mi-novembre. Auditionné à l'Assemblée nationale, le ministre délégué au commerce extérieur, Olivier Becht a reconnu que la France n'était "pas satisfaite" de la nouvelle mouture du TCE mais qu'aucune décision n'était prise, n'excluant pas "un retrait coordonné de ce traité".

"La France est supposée avoir décidé de sa position lors d'une réunion interministérielle tenue le 14 octobre. Nous n'avons pas la décision : peut-on décider de l’avenir de la présence de la France dans un traité si nocif derrières portes closes ? Nous entendons parler de retrait, mais nous ne savons pas si c’est la décision ; s’il s’agit d’un retrait unilatéral et non conditionné de la France ou d’un souhait pour un retrait coordonné de l’UE, ce qui supposerait d'enclencher une activité diplomatique intense en ce sens", commente Maxime Combes pour le collectif Stop Ceta-Mercosur.   

Concepcion Alvarez @conce1


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