Publié le 31 août 2021

ÉNERGIE

À Paris, passer à 30 km/h maximum n'est pas utile pour l'environnement... mais ce n'est pas l'objectif

Faire rouler les voitures à 30 km/h dans Paris ne fait pas baisser les émissions de CO2, au contraire même. Mais cette mesure, en vigueur depuis le 30 août, ne vise pas cet objectif. Officiellement, il s’agit d’accroître la sécurité et d’abaisser le bruit. En réalité, la mesure pourrait surtout amener des automobilistes à abandonner leur voiture ou leur deux-roues.

Circulation automobilme Paris atessadori
Depuis le 30 août, la circulation est limitée à 30 km/h à Paris.
@atessadori

Depuis lundi 30 août, ça grogne du côté des automobilistes parisiens. Dans la capitale, la vitesse est limitée à 30 km/h, à l’exception de quelques grands axes et du périphérique. Dans une ville qui laisse de moins en moins de place à l’automobile depuis une vingtaine d’années, la décision fait grincer les dents. D’autant plus que faire rouler des automobiles thermiques à 30 km/h est sous-optimisé, ce qui conduit à des émissions accrues de polluants et de gaz à effet de serre, affirment beaucoup.

Graphique émissions CO2 vitesse automobile C’est parfaitement vrai. Un véhicule qui fonctionne à l’essence émet moins de CO2 ou de nanoparticules à 50 ou 70km/h, qu’à 30. C’est une étude du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) qui l’explique en août 2021. "Pour un véhicule particulier, les émissions de NOx, de PM 10 et de gaz à effet de serre (GES) sont minimales pour des vitesses proches de 70 km/h, tandis que pour un véhicule utilitaire (<3,5 T), elles le sont aux alentours de 60km/h", expliquent les auteurs.

12 km/h en moyenne

Une étude de 2014 de l’Agence de la Transition écologique (Ademe) arrive au même résultat. "Au-dessus de 70 km/h, les réductions de vitesse ont un effet plutôt positif sur les émissions de particules et d'oxyde d'azote. En dessous de 70 km/h, cet effet est plutôt négatif", écrivent les experts. Mais dans le cas de l’Ademe, comme dans le cas du Cerema, il est important de préciser que calculer les émissions individuelles des moteurs n'est pas suffisant.

D’une part la vitesse moyenne d’un véhicule d’un Paris est loin des 30 ou 50 kilomètres/heure, elle se situe à 12km/h, assure David Belliard, l'adjoint chargé des mobilités, de la voirie et de la transformation de l'espace public. D’autre part, l’effet d’un ralentissement de la vitesse diminue théoriquement les congestions et surtout, elle va dissuader un certain nombre d’automobilistes de prendre leur voiture.

Interviewé sur France Inter, Benoît Hiron, responsable de la sécurité des déplacements au Cerema, explique que l’impact d’une telle mesure n’a pas de sens au niveau d’une seule voiture. Elle doit être considérée au regard de l’ensemble du parc de véhicules parisiens. "Dans un projet de généralisation du 30km/h, ce ne sont pas les émissions de chaque véhicule que l'on vise à diminuer, l'objectif c'est de changer la façon de se déplacer (…) Si je prends le territoire de Grenoble Métropole en trois ans après l'installation du 30 km/h généralisé, j'ai 9 % de trafic voiture en moins. Donc autant de véhicules thermiques qui n'émettent plus de pollution", explique-t-il.

Améliorer la sécurité

Du côté de la mairie de Paris, afin de ne pas entrer dans la polémique, la question environnementale n’est pas mise en avant. La baisse de la vitesse "répond à trois objectifs : améliorer la sécurité des piétons – l'écrasante majorité des accidents mortels est causée par des voitures, des poids lourds, des motos et scooters qui roulent trop vite ; réduire significativement le bruit, un vrai problème de santé publique – on estime que la moitié des nuisances sonores sont liées à la circulation automobile ; et apaiser la ville", explique David Belliard dans le Journal du Dimanche.

Le second point sur le bruit est essentiel puisque la baisse de vitesse limitera les accélérations très bruyantes, surtout chez les deux roues. Or le bruit est une source de nocivité importante pour les Français. Fin juillet, une étude du Conseil national du bruit (CNB) et de l'Ademe montraient que 17 millions de Français en souffraient. Cela représente un coût sanitaire, économique et social de plus de 155 milliards d’euros par an pour le pays. Selon les deux organismes, la majeure partie des nuisances est due aux transports pour 68 % pour 106 milliards d'euros, dont la moitié uniquement pour la route.

Ludovic Dupin @LudovicDupin


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