Publié le 14 août 2023
ÉNERGIE
Vivre à Paris sous 50°C : Exit l'auto, place au métro et au vélo (2/5)
Se déplacer en temps de canicule peut relever du parcours du combattant. Une réalité pour de nombreux Parisiens lors des vagues de chaleur récurrentes qui touchent la capitale. Dans son rapport "Paris à 50°C", la mission d’information et d’évaluation du conseil de Paris dévoile des préconisations pour adapter les mobilités douces et partagées tout en assurant leur attractivité. Cet été, Novethic enquête sur la façon dont Paris s'adapte à un scénario extrême.

GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
Chaque jour, huit millions de déplacements sont comptabilisés à Paris, tous modes confondus. Bus, RER, pistes cyclables ou encore routes, ces infrastructures ne sont pourtant pas toujours aménagées pour assurer leur viabilité lors de fortes températures. Tandis que la capitale souffre de vagues de chaleur de plus en plus fréquentes, l’adaptation des transports parisiens aux canicules représente un enjeu majeur, examiné par la mission d’information et d’évaluation du conseil de Paris dans son rapport "Paris à 50°C". Car les risques liés aux fortes chaleur dans les transports sont multiples.
Des risques sanitaires tout d’abord, allant de la déshydratation à des "malaises, des AVC et une potentielle incapacité de se déplacer qui peut avoir des impacts en cascade notamment sur le travail", précisent les auteurs. Les agents des réseaux de transports en commun, en particulier les conducteurs de bus, peuvent voir leur conditions de travail se dégrader, souligne à Novethic la Régie autonome des transports parisiens (RATP). Mais la chaleur est également un sujet d’infrastructures, notamment ferroviaires. Ces dernières, directement exposées, peuvent être détériorées par les conditions climatiques, engendrant ralentissements et accidents.
Prévention et modernisation du matériel
En juillet 2022, alors que la chaleur dépassait les 40°C dans Paris, la RATP expliquait dans un communiqué avoir relevé des températures atteignant les 57°C sur certaines portions de rails. En conséquence, la régie avait été contrainte de limiter la vitesse des trains par mesure de sécurité. Face à ce type d’événements, la RATP active un plan d’action comprenant des "tournées de chaleur" permettant de surveiller les voies, relever la température des rails et déceler toute anomalie. Des capteurs de surveillance en temps réel sont également déployés depuis trois ans.
Pour assurer l’attractivité des transports et améliorer le confort des usagers en cas de chaleur, la RATP annonce par ailleurs "aller vers un déploiement plus généralisé de la ventilation sur les matériels roulants, avec notamment l’ambition d’avoir 60% des bus couverts d’ici 2025, 70% du métro d’ici 2030 et 100% du RER d’ici 2025". Actuellement, seuls 40% des métros, 88% des RER et un tiers du parc de bus sont équipés d’une ventilation réfrigérée. 2023 marque également le lancement d’une expérimentation répondant à l’une des préconisations du rapport "Paris à 50°C" avec la mise en place de points d’eau dans les gares et stations. 90 fontaines devraient être installées d’ici l’été 2024.
D’autres leviers d’adaptations sont évoqués, comme l’augmentation de la fréquence des transports. "Il faut que les voyageurs puissent se répartir sur l’ensemble des trains qui passent pour réduire la densité dans les rames et améliorer le confort des usagers", estime David Belliard, adjoint à la mairie de Paris en charge de la transformation de l’espace public et des mobilités, interrogé par Novethic. Les gares et stations pourraient également devenir des lieux refuge, grâce à l’aménagement d’espaces rafraîchis ouverts jour et nuit, avance Emmaüs Solidarité, cité par les auteurs du rapport.
Redistribuer l’espace publique
Les modes de déplacement ne se résumant pas aux transports en commun, la mission d’information appelle également à l’adaptation de l’espace urbain. Pour encourager et faciliter les mobilités actives comme la marche et le vélo, la ville réfléchit à la création de parcours frais obtenus par la mise en œuvre d’ombrage, la désimperméabilisation des sols et le déploiement de nouveaux revêtements qui permettent une réduction de près de 6°C des températures. "Nous cherchons à augmenter l’albédo en ayant des revêtements clairs, ce que nous faisons notamment sur les rues aux écoles", précise David Belliard. Ce dispositif qui consiste à piétonniser et végétaliser les environs des établissements scolaires concernera 40 rues fin 2023.
De plus, la réduction de l’espace dédié aux voitures thermiques est l’une des mesures fortes appliquées ces dernières années par la ville de Paris, non sans contestation. "Nous observons une diminution de 5% du trafic tous les ans depuis le début des années 2000", précise David Belliard. Car les véhicules, qui réchauffent l’air à hauteur de piétons et de cyclistes, ne sont pas sans conséquence en cas de canicule. "Le toit d’une voiture de taille moyenne reçoit près de 3 000 watts en plein soleil (…) [ayant] pour effet d’augmenter la consommation d’énergie des véhicules équipés de climatiseurs", explique l’adjoint à la mairie qui propose de peindre en blanc le toit des voitures.
Pour aller plus loin, la ville réfléchit à une tarification progressive du stationnement selon la taille des véhicules ou encore à la création d’une voie de covoiturage sur le périphérique. Le tout doit permettre d’affecter cet espace à d’autres usages, comme la réalisation de pistes cyclables, agrémentées lorsque cela est possible d’ombragées et de revêtements clairs. 26 kilomètres viendront s’ajouter cet été aux plus de 1 000 kilomètres de pistes déjà aménagées dans la capitale. "C’est une forme de reconquête de l’espace publique, mais aussi l’un des outils de lutte contre le dérèglement climatique", affirme David Belliard.