Publié le 13 juin 2018
ÉNERGIE
Se chauffer avec des éoliennes, c’est le pari du projet Grhyd à Dunkerque
Quelques jours après le lancement du plan hydrogène de Nicolas Hulot, le premier démonstrateur français de "power to gas" (conversion d’électricité en gaz) a été inauguré lundi 11 juin à Dunkerque. Il prévoit de transformer le surplus d’électricité produit par les éoliennes et les panneaux photovoltaïques du territoire en hydrogène injecté dans les réseaux classiques de gaz. Ceux-ci pourraient recevoir jusqu’à 20% d’hydrogène, sans surcoût pour le consommateur le temps de l’expérimentation qui doit durer deux ans.

@Engie
L’urgence climatique a accéléré le développement des énergies renouvelables à un coût compétitif, promesse d’un monde sans CO2. Mais leur intermittence pose la question de la valorisation du surplus de l’électricité produite aux heures creuses, la nuit par exemple. La solution pourrait bien venir du power to gas, la conversion d’électricité en gaz.
À Dunkerque, un démonstrateur pour transformer cette électricité renouvelable en hydrogène vient d’être inauguré. Il va alimenter les 200 logements du nouveau quartier baptisé "Le petit village" à Cappelle-la-Grande, une commune de 8 000 habitants à quelques kilomètres seulement de Dunkerque (Hauts-de-France).
Le quartier du "Petit village" à Capelle-la-Grande, près de Dunkerque se chauffe désormais à l'hydrogène. @Engie
L’électricité, issue du parc éolien tout proche exploité par Total et des panneaux photovoltaïques de la communauté de communes, va être transformée en hydrogène par électrolyse. L’hydrogène produit, purifié et stocké à l’état solide, va ensuite être injecté dans les réseaux de distribution classiques. Il y sera mélangé au gaz naturel et utilisé pour le chauffage, la cuisson et l’eau chaude du quartier voisin.
Décarboner le gaz
"L’intérêt avec l’hydrogène issu des renouvelables est de décarboner le gaz naturel, explique Frederick Mabille, de la communauté urbaine de Dunkerque. Il nous permet de réduire nos émissions de CO2, améliorer la qualité de l’air et augmenter nettement les rendements des chaudières à condensation de 7 à 10 %." Une aubaine alors que 85 % des maisons de l’agglomération sont chauffées au gaz. "Tout notre travail maintenant va être de convaincre les usagers et démontrer la viabilité économique du projet", ajoute-t-il.
Après quatre ans d’études – sociologiques, techniques, économiques, de sécurité – le démonstrateur, coordonné par Engie, va fonctionner jusqu’en juin 2020 en situation réelle, sans aucun surcoût pour les utilisateurs. Et la part d’hydrogène va progressivement être augmentée, passant de 6 % actuellement, seuil prescrit par les opérateurs gaziers, à 10 % en septembre puis à 20 % en janvier 2019. C’est le seuil maximal et le plus élevé testé actuellement en Europe. Au-delà, il faudrait modifier les équipements des réseaux de distribution et ceux des foyers.
Cinq euros le kilogramme d'hydrogène
Isabelle Kocher, la directrice générale d'Engie a fait le déplacement pour lancer officiellement le 1er démonstrateur de power to gas en France. @Engie
"Pour être rentable, il faudrait être en-dessous de cinq euros par kilogramme d’hydrogène produit", estime Loïc Antoine de l’Ademe. L’agence prévoit qu’à l’horizon 2035, 30 térawattheures d’hydrogène vert seront produits par an via le power to gas. "L’hydrogène est en effet la meilleure façon de stocker l’énergie, indéfiniment, et sous forme solide. Grhyd pourrait ainsi être la première marche dans l’évolution des territoires 100 % renouvelables", a estimé Isabelle Kocher, Directrice générale d’Engie qui a également fait le déplacement depuis Paris.
Dans son plan hydrogène dévoilé au début du mois de juin, Nicolas Hulot table sur un objectif de 10 % d’hydrogène non produit à partir d'énergies fossiles dans l’hydrogène industriel d’ici 2023 et entre 20 à 40 % d’ici 2028. "C’est la première fois qu’un gouvernement s’engage autant sur l’hydrogène, il va maintenant falloir traduire ces beaux discours en objectifs chiffrés dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC)", réagit Philippe Boucly, président de l’Afhypac, association qui fédère les entreprises de la filière hydrogène, lui aussi du voyage.
Concepcion Alvarez, @conce1